#15 : Le marketing d’influence pour booster ses ventes

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N’GO Shoes Chaussures éthiques, baskets ethniques

Produire des chaussures de manière équitable et responsable, tout en valorisant le savoir-faire ancestral vietnamien.

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À travers cet échange virtuel avec Kévin Gougeon, le co-fondateur de N’GO Shoes nous parle de cette jolie entreprise de mode responsable. Il nous fait découvrir pas à pas le parcours intéressant de ces baskets éthiques au design unique, avec nos trois questions principales auxquelles il a bien voulu répondre :

  1. D’où est venue l’idée de créer N’GO Shoes pour se lancer dans la basket solidaire ?
  2. Comment envisagez-vous le développement de N’GO Shoes en alliant business et impact positif ?
  3. Quels sont vos défis à venir ?

M.S : Bonjour Kévin !

K.G : Bonjour Melody !

D’où t’est venue l’idée de créer N’GO Shoes pour te lancer dans la basket solidaire ?

K.G : Avec Ronan nous avons monté N’GO Shoes, il y a plus de 3 ans. Nous étions au départ très loin de tout cela, je travaillais dans un cabinet d’expertise comptable et Ronan travaillait pour une ONG au Viêtnam. Et donc, pas de rapport direct avec la mode, la basket, ni le design… Nous avons tout appris sur le terrain et ce sont surtout nos voyages qui nous ont amenés à créer N’GO Shoes. Nous avons fait un premier voyage à 18 ans au Pérou avec Ronan pendant 2 mois pour construire une crèche dans un bidonville. Nous séjournions dans des familles d’accueil. C’est à ce moment-là que nous avons découvert l’artisanat ethnique, mais aussi le goût du voyage. Nous partons régulièrement en voyage, notamment au Mexique où j’ai redécouvert cet artisanat ethnique.

C’est en passant beaucoup de temps sur les marchés de créateurs artisanaux que m’est venue l’idée de créer quelque chose autour de cela.

Au début, nous ne parlions pas du tout de chaussures, mais plutôt d’un projet équitable et solidaire. De retour du Mexique, j’avais une idée un peu vague : travailler autour de cet artisanat, de manière équitable et de faire en sorte que toutes les parties prenantes puissent bénéficier du bon développement de l’entreprise. Ainsi, si nous augmentions notre chiffre d’affaires, une partie serait reversée à une association ou à un acteur à impact.

M.S : Par ces voyages et ces rencontres, qu'est ce qui t’a le plus touché pour que tu te lances vraiment ?

K.G : Personnellement, je ne suis pas quelqu’un de très manuel, et de ce fait, j’ai une certaine admiration pour les personnes qui ont ce savoir-faire. Voir ces personnes avec leurs multiples savoir-faire sur les marchés artisanaux vietnamiens m’a encouragé à revenir avec de la déco aux motifs ethniques et plein de choses en tout genre. C’est à la fois le côté esthétique et le savoir-faire fait main que je trouvais remarquable. C’est tout cela qui m’a marqué et qui fait que je suis revenu du Viêtnam avec cette idée. Et puis finalement, je me suis dit qu’à 25 ans, je ne pouvais pas continuer à attendre ces voyages et à trouver une motivation pour me lancer. Je voulais retrouver du sens dans ce que je faisais.

C’était une recherche d’adrénaline et de sens qui m’a amené à l’entreprenariat.

Quand je suis rentré du Mexique, j’en ai parlé à Ronan qui venait de passer 2 ans au Viêtnam. Au début, il ne m’a dit ni oui ni non, juste que cela le tentait bien, mais qu’il voulait encore repartir pour une ONG dans un autre pays. Peu de temps après, il est revenu vers moi en me disant qu’au final, il connaissait bien le Viêtnam et il avait des contacts de quelques artisans. Il est donc reparti au Viêtnam et nous avons commencé le projet là-bas. En ce temps-là, je ne connaissais pas du tout ce pays, mais il était important pour nous de pouvoir gérer le projet dans un pays que l’un de nous 2 connaissait bien, ce qui était le cas de Ronan.

Il fallait que le projet ait un sens et des valeurs.

Ce que nous appréciions surtout à travers nos voyages, c’était la rencontre et le côté multiculturel. Nous pouvions créer une vraie relation de confiance avec les artisans et une relation humaine. Bien évidemment, cela ne pouvait être possible qu’en étant sur place. À ce moment-là, le Viêtnam nous paraissait être la meilleure possibilité.

M.S : Comment as-tu géré la transition de l’entrepreneur qui se lance ?

K.G : C’est une phase particulière en effet, elle s’est gérée petit à petit. Au début, je gardais mon travail à plein temps en faisant en sorte de globaliser tous mes congés. J’ai donc passé 1 mois au Viêtnam durant les premiers étés, notamment en 2016 pour travailler avec Ronan sur le projet. Cependant, c’est surtout Ronan qui avançait sur la recherche de fournisseurs et de partenaires, et c’est ce qu’il continue de faire aujourd’hui. L’idée de la basket est venue après, au moment où il repartait pour le Viêtnam. Nous étions plus sur de l’artisanat, de la déco ou du prêt-à-porter. Cependant, tous les contacts que nous avions nous ramenaient vers l’idée de la basket puisque le Viêtnam est réputé pour la production de ce produit. De notre côté, nous étions avant tout en quête de sens. D’un point de vue design, il fallait avoir un minimum de connaissances, mais nous étions tous les 2 fans de ce type de chaussure. De ce fait, on se voyait plus designer des baskets qu’autres choses.

Finalement, nous nous sommes lancés dans les baskets par envie et par opportunité liées au réseau de Ronan.

Nous avons donc mis environ 1 an entre son départ pour le Viêtnam et le lancement de l’activité via un crowdfunding en Avril 2017.

M.S : Comment s’organise ce crowdfunding et quelle en est la suite ?

K.G : Il y a eu 2 départs pour l’entreprise, puisque j’étais encore à plein temps pour mon travail, ensuite je suis passé à mi-temps et enfin j’ai eu ma rupture conventionnelle pour partir. Cette première campagne de crowdfunding a bien marché parce que :

  • nous avons dépassé notre objectif,
  • nous avons lancé une première production,
  • et nous avons commencé à vendre sur notre site internet, puis dans quelques magasins.

Par la suite, il y a eu un deuxième départ fin 2018 avec une campagne sur Ulule, où nous avons pu lancer un nouveau produit. Nous avons travaillé avec un designer et nous avons pu créer une vidéo avec un prestataire. Finalement, nous nous sommes servis de cette première année comme d’une expérience afin de nous professionnaliser et de pouvoir relancer une nouvelle compagne sur notre collection en cuir qui est aujourd’hui notre best-seller. Tout compte fait, c’est ce deuxième départ qui a vraiment fait croître l’entreprise.

M.S : Comment est-ce que vous avez envisagé ce partenariat solidaire avec une minorité au Viêtnam ? Et quel est le consommateur type ?

K.G : Les consommateurs viennent essentiellement d’Europe. Au moment où Ronan est reparti, nous avons d’abord orienté nos recherches vers une coopérative d’artisans, une association ou une ONG pour un partenariat solidaire. Pour les artisans, nous avons travaillé avec différentes coopératives dans le domaine du tissage à la main. Pour se faire, il fallait que cela réponde à des questions techniques, mais surtout à un besoin de confiance. Pour les associations, nous en avons rencontré plusieurs à travers un appel d’offres pour un projet pour les aider sur le long terme. Finalement, nous avons fait la rencontre de Thomas qui gère l’ONG Sao Bien, qui construit des écoles au Viêtnam et qui est donc en relation avec les autorités locales. C’est un pas important dans notre démarche parce que nous ne voulions pas passer pour les occidentaux qui veulent juste faire de l’humanitaire à distance dans un pays. Ainsi, en nous reposant sur Thomas et cette ONG structurée, nous avons pu définir les besoins réels en termes d’infrastructures et de constructions pour créer des écoles. Les écoles se trouvent dans le Nord du Viêtnam, dans des villages très reculés et difficiles d’accès.

L’ONG vient faire 6 à 7 constructions par an et nous finançons environ une école par an.

Nous terminons la quatrième école cette année et après, nous nous lancerons sur la cinquième. En tout, nous reversons 2 % de notre chiffre d’affaires à cette ONG pour la construction de ces écoles. Les élèves sont âgés de 6 à 7 ans avec un effectif d’environ 50 à 60 enfants issus des villages environnants. Ce n’est pas une école avec les mêmes infrastructures que chez nous, mais des salles de classe pour permettre à ces enfants d’être scolarisés.

M.S : Est ce que les 2 % de chiffre d’affaires reversés restent constants ?

K.G : Effectivement, nous maintenons les 2 % reversés peu importe ce qui se passe. C’est important de reverser le chiffre d’affaires et non le bénéfice parce que nous ne pouvons pas définir ce bénéfice en début d’année. À partir du moment où l’on communique dessus, nous voulons nous y tenir et nous voulons surtout être utile.

De ce fait, tous les trimestres, nous reversons les 2% dans différents projets.

Actuellement, nous sommes sur un projet pour financer un raccordement à l’eau potable et à l’électricité d’un village. Nous aimerions sortir un peu de la construction et voir ce que nous pourrions faire d’autre pour aider.

M.S : Quelle est la vision et la culture de l’équipe ?

K.G : Actuellement, nous sommes 4 personnes dans l’équipe dont Ronan et moi comme associés avec 2 personnes salariés. La première c’est Anaïs qui est la responsable communication et depuis septembre de cette année, Régis qui nous a rejoints en tant que responsable e-commerce et marketing. Nos bureaux sont basés à Nantes. Le télétravail s’est tout de suite imposé à nous, j’en suis moi-même un grand fervent et il figure même dans nos contrats de travail.

Nous n’avons pas de règles précises, cela varie en fonction des besoins de l’entreprise et des salariés pour une meilleure gestion de nos vies professionnelles et personnelles.

Le confinement ne nous a pas trop touchés, passer d’un télétravail partiel à un télétravail total n’a pas changé grand-chose. Bien évidemment, le digital ne remplacera jamais le présentiel qui est nécessaire pour la synergie d’une équipe. Depuis le début, la culture de l’entreprise veut que nos salariés soient :

  • heureux,
  • bien au sein de l’entreprise,
  • et qu’ils se sentent libres.

A la différence des nouvelles entreprises et leur management moderne, nous n’avons pas d’horaire de travail fixe et limité. L’idée c’est de responsabiliser nos collaborateurs sur leur mission, leurs tâches et donc de valoriser une relation de confiance. Bien évidemment, pour une petite entreprise il y a toujours beaucoup de choses à faire mais, à chacun de s’organiser pour faire au mieux ses missions suivant sa manière de travailler et son planning, pour arriver à une autonomie dans le travail. C’est comme un poste de freelance en entreprise. Néanmoins, nous essayons de structurer les choses pour une meilleure synergie d’équipe.

Ensuite, pour les coopératives au Vietnam, qui sont des sous-traitants, elles sont libres également de travailler ou pas avec nous et d’arrêter quand elles le souhaitent. Nous avons voulu travailler avec elles directement sans intermédiaire pour avoir une relation de transparence et de confiance. Et donc pour l’instant c’est Ronan qui se déplace régulièrement dans ces villages pour gérer la production. Pour ma part, j’y vais une fois par an, mais nous prévoyons aussi d’y emmener nos salariés.

Quand nous arrivons dans ces villages, nous logeons et nous mangeons chez eux puisque cela fait 4 ans que nous les connaissons. C’est pour ces moments-là aussi que nous avons créé N’GO Shoes.

Ngo shoes

M.S : Comment envisagez-vous le développement de N’GO Shoes en alliant business et impact positif ?

K.G : Jusqu’à présent nous n’avons vendu que des chaussures. Pour la campagne de précommande en cours et pour la première fois, nous sortons un produit éco-responsable qui est le sac à dos fabriqué à partir de matières recyclées que nous avons lancé sur Ulule jusqu’au 3 décembre. Pour autant, la volonté est de rester sur une marque de chaussures, les Backpacks restent plutôt des accessoires qui ne se vendent pas encore en magasins mais uniquement en e-commerce, en tout cas dans un premier temps.

Dans notre développement, nous restons sur les chaussures pour le moment.

Pour te répondre sur la question de comment allier l’évolution de l’entreprise et les valeurs, effectivement il y a un risque pour toute entreprise qui se développe d’oublier les valeurs du début.

Pour arriver à maintenir ces valeurs, notre but est de ne pas trop grandir.

Nous n’avons jamais aspiré à avoir plus de 100 salariés ou d’être présents dans tous les pays du monde. Nous voulons surtout garder nos valeurs et ce pourquoi nous avons créé l’entreprise. A titre d’exemple, il y a 1 an de cela, nous avons été approchés par une grande agence qui nous proposait de développer une franchise N’GO Shoes au Japon. En gros, elle gérait toute la production pour faire plusieurs produits en masse. On aurait partagé à 50/50,  ce qui nous aurait permis de gagner beaucoup d’argent en ne faisant quasiment rien. Clairement, nous avons refusé ce contrat puisque nous voulions suivre la production sans intermédiaire et garder un lien direct avec les artisans et l’atelier d’assemblage. Pour nous, la meilleure transparence c’est de pouvoir montrer les certifications nécessaires. Ce qui compte c’est que nous pouvons à tout moment, avec le travail de Ronan, voir ce qui se passe sur place. De ce fait, nous pouvons garantir auprès de nos clients tout le processus de fonctionnement et l’authenticité de nos produits. Nous n’aurions jamais pu avoir cela avec cette agence.

Pour nous l’important, c’est de rester en adéquation avec nos valeurs même si cela impacte la croissance de l’entreprise.

En somme, il s’agit de trouver un équilibre entre les projets et notre plaisir de travailler, tout en permettant à l’entreprise de continuer à exister. L’année dernière, nous avons commencé un projet de développement en Europe qui consiste à mieux maîtriser et contrôler ce qui nous tient à cœur, et c’est ce qui fera grandir l’entreprise. Si un jour nous constatons que l’entreprise stagne, mais que nous arrivons à maintenir notre clientèle et à payer nos salariés, nous ne changerons rien.

M.S : A quel moment avez-vous réussi à vous rémunérer ?

K.G : Ronan a réussi à le faire assez vite, mais pour ma part étant en rupture conventionnelle, j’ai eu droit à 2 ans de chômage. Heureusement que nous avons ces dispositifs en France pour aider à créer une entreprise. Ronan travaillait au Viêtnam et n’avait donc pas de droit au chômage. Au tout début, il continuait à donner des cours d’anglais et de français au Viêtnam, mais très vite, il a commencé à dégager une petite rémunération. Concrètement, depuis 2 ans, nous sommes tous les deux rémunérés par l’entreprise, en plus des salaires d’Anaïs et Régis. La rémunération s’est faite petit à petit.

M.S : Comment avez-vous démarré financièrement ?

K.G : Pour ma part, c’est un sujet qui m’intéresse de part mon parcours en tant qu’expert comptable, je m’occupe de la partie gestion et financement. Clairement, à 25 ans nous n’avions pas beaucoup d’argent. Au début, nous avons mis 6000 euros soit 3000 euros chacun. Il me semble que nous avions mis 1000 euros en capital, et nous avions mis 2000 euros chacun en comptes courants. Nous avons dû commencer avec ces fonds-là pour les frais, et c’est la première campagne de crowdfunding qui a financé la production. Très vite, nous avons dû refaire une nouvelle production et nous sommes donc passés par Initiative Nantes et notre banque pour des petits emprunts. Rapidement, l’entreprise grandissait et nous avions besoin de revoir nos sources de financement. Par la suite, nous avons lancé la nouvelle campagne de crowdfunding qui nous a fait entrer aux Galeries Lafayette et dans beaucoup de magasins notamment de grandes enseignes. Cela suggérait donc plus de volume, plus de production à avancer puisqu’il fallait payer en totalité le prix du conteneur au départ du Viêtnam. Après 1 mois en mer, nous les vendons soit sur le site internet en paiement comptant soit en magasin avec un paiement en 60 jours après la livraison. Nous avons donc constaté un décalage de trésorerie énorme qu’il fallait financer. Pour ces questions-là, nous nous sommes tournés vers Réseau Entreprendre, dont nous étions le lauréat en 2019. Ils nous ont beaucoup accompagnés en plus de nos 2 banques : La Banque Populaire et La BNP Paribas. Enfin, nous avons activé un dernier levier financier début 2020 avec France Active, la BPI et la BNP Paribas en financements complémentaires. En somme, tous les ans nous sommes revenus auprès des banques pour les solliciter une nouvelle fois, et elles ont toujours répondu présent. Mon passé nous a sans doute aidés aussi dans toutes ces démarches. Malgré tout, je ne pensais pas que financer du BFR (Besoin en Fonds de Roulement) puisse être faisable aussi facilement.

De plus, nous nous sommes posés la question d’aller chercher un investisseur privé, nous en avons rencontré fin 2019, au moment où il fallait commencer à chercher des montants plus importants – entre 400 000 et 500 000 euros.

Néanmoins, et cela rejoint notre discussion précédente, nous avons toujours voulu garder une mainmise sur notre entreprise, être associés à 50/50 pour une logique d’indépendance et de liberté.

Pour nous, cela reste une solution de dernier recours. Il se trouve que nous avons eu d’autres alternatives avec les banques et les acteurs économiques qui voulaient nous suivre. Cet accompagnement nous permet d’avoir ce qu’il faut pour continuer notre développement, nos embauches et garder le contrôle de notre capital.

Nous avons su gérer notre entreprise et nos dépenses en étant accompagnés, ce qui a permis de pouvoir continuer à croître de manière constante. En 2017, le tout premier emprunt que nous avons fait était de 15 000 euros à la banque et 15 000 euros à Initiative Nantes. Pour demander 400 000 euros à la banque, il fallait évidemment fournir plusieurs bilans. Nous pouvions nous appuyer sur plusieurs documents tels que les contrats commerciaux pour rassurer les partenaires économiques, et mon parcours professionnel qui rassure sur notre capacité à bien gérer l’entreprise. 

M.S : A quoi vont vous servir ces fonds ? Et quelle est la stratégie marketing adoptée pour développer l’entreprise ?

K.G : Depuis le début de l’entreprise, le but était d’être à la fois présents en BtoC, en BtoB en magasins et sur e-commerce. Certes, pour le e-commerce, il ne suffit pas de lancer son site, car il y a pas mal d’investissements à faire pour qu’il soit bien référencé et qu’il fonctionne. Nous ne sommes pas du tout dans le domaine de la communication avec Ronan, et personnellement je n’adhère pas trop aux réseaux sociaux. De ce point de vue là, nous partions de très loin. Par conséquent, il a fallu commencer par recruter une personne en charge de gérer les réseaux sociaux et la stratégie de communication. Au début, nous ne pouvions pas encore embaucher, mais nous avons eu des stagiaires dont Anaïs qui était en stage pendant 6 mois. La volonté était de trouver une personne à plein temps pour gérer cette partie. Avec l’arrivée d’Anaïs début 2018, tout a changé parce qu’elle a mis en place une stratégie de communication sur les réseaux sociaux. Étant également photographe, elle a revu toute l’image de marque, notamment les lookbooks. À partir de là, nous avons pu constater une nette augmentation de notre activité sur le e-commerce.

Concrètement, sur la partie BtoB, j’ai préféré garder la gestion de la partie commerciale auprès des magasins. Sur la partie communication, la première chose qu’Anaïs a faite concernait les visuels avec un bon shooting photo et vidéo pour avoir de la bonne matière pour les réseaux sociaux. Pour être un bon community manager, il faut avoir de bons visuels et du bon contenu. Par la suite, elle a pu s’en servir pour les mettre sur Facebook, Twitter et Instagram en passant par différents partenariats avec d’autres marques, notamment par des jeux concours pour partager et échanger avec d’autres communautés. Ce sont des choses que nous faisions très peu avant, mais que nous faisons beaucoup plus maintenant. En termes d’affiliation, elle a mis en place des partenariats avec des influenceurs pour un travail sur le long terme, pas seulement sur une opération “One Shot” comme on faisait au début.

M.S : Est ce que tu as un exemple de partenariat plus précis avec un influenceur ?

K.G : La volonté réelle, quand on commence avec des influenceurs, c’est qu’ils puissent devenir des ambassadeurs de la marque. À ce titre, en termes d’affiliation, nous avons commencé avec les Bloomers à travers un jeu concours,  et des posts réguliers sur nous sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram en story permanente. Pour maintenir un lien continu, leur communauté bénéficie d’un code de réduction de 10% sur notre site internet pour :

  • les fidéliser
  • et observer le nombre de visiteurs qu’ils drainent.

C’est du gagnant-gagnant, nous apprécions ce type de relation que nous essayons de mettre en place à chaque nouveau partenariat.

M.S : Est ce que vous avez un budget dédié à cette stratégie ?

K.G : Effectivement, nous avons un budget dédié à la stratégie marketing, mais je vais tout d’abord répondre à ta question concernant l’utilisation des 400 000 euros. Ce besoin là répondait à :

  • une nouvelle création de produit,
  • augmenter la production pour répondre à la demande qui s’accentue,
  • embaucher, notamment Régis en septembre 2020 en tant que responsable e-commerce et web marketing.

Dans leur ensemble, ces besoins nécessitent un budget défini en début d’année et malgré des moments d’incertitudes, il peut être revus notamment pour la stratégie de communication et marketing.

Durant le premier confinement, notre stratégie a été de tout concentrer sur le digital, le e-commerce pour survivre et compenser.

Pour cela, nous avons pris le risque d’augmenter :

  • les budgets référencements,
  • les budgets Facebook Ads,
  • Google Ads,
  • et les budgets influenceurs pour tout miser sur le e-commerce.

À la clôture de l’exercice à la fin de l’année, le budget du mois de janvier sera complètement dépassé sur cette partie communication et marketing. Bien évidemment, il faut un cadre, mais parfois il arrive que l’on s’éloigne plus au moins de ce cadre suivant le contexte.

Pour ce qui est de la publicité, nous faisons en gros les différents partenariats payants tels que l’affiliation, Facebook Ads, les influenceurs, Instagram et Google Ads. Le budget nous sert justement à gérer l’investissement qu’il y a dans cette partie communication, et les retours également, parce qu’on peut vite se perdre en mettant de l’argent un peu partout pour au final oublier d’analyser si ça marche ! Concrètement, c’est Régis et Anaïs qui gèrent tout cela.

M.S : Est ce qu’il y a eu un échec qui t’a marqué ?

K.G : Il y en a eu plein. Le premier échec a été la communication en n’étant pas de ce monde-là, nous avons essayé de gérer seul avec Ronan, et à tort, puisqu’au final nous ne savions pas comment le faire. D’abord parce que c’est un métier à part entière, ensuite parce que nous n’avions aucune stratégie. Ce qui a réellement changé entre le premier et le deuxième départ, c’était la communication et les visuels. Nous n’avions pas bien mesuré l’importance de tout cela pour mettre les bons budgets dans un bon photographe, un bon vidéaste pour mettre en valeur et en avant le produit. Clairement, cela a eu un impact sur les ventes. Ce sont des erreurs que nous avons faites au début, que nous ne faisons plus parce que nous avons appris.

Étonnamment, le deuxième échec a été la gestion, alors que je viens moi-même de ce domaine, et que je sais normalement ce qu’il ne faut pas faire. Le mot d’ordre dans une entreprise, surtout dans ce contexte et qui fera que certaines entreprises réussissent à s’en sortir ou pas, c’est « la trésorerie ». Ne pas l’utiliser inutilement et aller chercher des fonds. Quand je suis allé faire le premier emprunt en 2017, nous avions demandé 30 000 euros. À cette période-là, je travaillais encore avec mes ex-patrons à qui j’ai montré le dossier, ils m’ont fait comprendre que je m’y prenais mal, et qu’il fallait un vrai montant avec une vision à long terme. Et clairement, c’est une faute de gestion parce que j’ai dû retourner auprès de la banque 6 mois après. La banque a répondu présent, mais nous aurions pu ne pas l’avoir aussi. Ce fut donc une erreur parce que quand on définit un besoin, il faut le faire à long terme et grossir son besoin en trouvant un juste-milieu. Je n’ai clairement pas pris assez de risques, et je me suis retrouvé à la place des clients que je conseillais avant. J’ai appris de cette erreur et mine de rien cela a été un bon retour d’expérience.

Pour définir le long terme, nous faisons toujours un business plan sur 3 ans. Cependant avec le contexte actuel, se projeter sur 3 ans n’est plus envisageable. Nous essayons de le définir, de le matérialiser, mais en réalité la vraie gestion se fait à l’année. J’ai une vision concrète et précise pour une année.

M.S : Quels sont vos défis à venir ?

K.G : Le premier défi que nous nous sommes lancés, c’est de faire un produit autre que la chaussure. Nous avons donc lancé la campagne Ulule en précommande jusqu’au 3 décembre 2020. C’est un vrai défi pour nous, nous nous demandons comment notre communauté réagira à ce nouveau produit qu’est le sac à dos Backpack recyclé, alors que depuis 3 ans nous n’avons fait que des chaussures. Le défi de cette année aussi était le côté éco-responsable. Au début du projet, nous voulions un produit  solidaire en adéquation avec les valeurs du commerce équitable, mais nous avions aussi envie de produire des chaussures éco-responsables, à base de chanvre. Nous avons testé des teintures végétales une technique que nous ne connaissions pas du tout. A l’issue de quoi, nous avons constaté des problèmes de teintes, sachant qu’il fallait bien sûr que les chaussures soient solides et confortables. Nous avons mis cette idée un peu de côté en se disant qu’avec le temps nous y verrions plus clair. En 2020, nous avons sorti notre première collection de chaussures faites à partir de matière recyclée (plastique) et pareillement pour notre sac à dos en précommande. Tout cela s’illustre à travers une démarche plus globale, nous faisons des chaussures équitables et solidaires, mais nous produisons au Viêtnam. Ce qui n’est clairement pas écologique, d’ailleurs nous ne nous revendiquons pas comme une marque écologique. De ce fait, nous avons cherché à nous améliorer sur ce sujet et surtout à mesurer notre impact. Actuellement, nous avons le recul nécessaire, après plus de 3 ans, pour voir avec toutes nos parties prenantes comment le faire. Nous avons commencé à voir auprès de nos artisans si les prix qu’ils fixent eux-mêmes sont équitables. Il existe également des partenaires extérieurs qui font des enquêtes pour mesurer à tous niveaux, leur bien-être et leur plaisir au travail afin de voir notre impact auprès d’eux et de leur village. Au début, il y avait 1 coopérative pour 3 femmes, actuellement ce sont 3 coopératives avec une quarantaine de femmes pour tisser. Ainsi, elles ont pu former de nouvelles femmes à ce savoir-faire auprès des villages environnants.

Le fait d’avoir créé un écosystème dans le village, contribue à l’émancipation de ces femmes qui ont uniquement ce savoir-faire au Viêtnam.

Elles ont donc leur propre coopérative, qui assure une répartition équitable. Durant cette période de COVID, leur économie, qui est essentiellement tournée vers le tourisme, s’est totalement arrêtée. Nous étions donc leur seule source de revenu. C’est important pour nous et cela nous fait plaisir d’avoir été utiles. En même temps, cela nous met une pression et un devoir envers elles pour bien faire les choses. Nous avons lancé une mesure d’impact auprès des artisans et auprès des écoles sur le long terme pour calculer le taux d’analphabétisation (nombre d’enfants scolarisés, leur évolutions dans le temps, etc.). Ce sont des paramètres réels pour mesurer l’impact de ces constructions d’écoles.

Pour revenir sur le plan environnemental, l’année prochaine, nous prévoyons de faire un bilan carbone avec Toovalu dans le but d’apprendre nous-mêmes comment et où nous améliorer. Nous sommes conscients que l’impact carbone vient de la production de matière, le transport ne représente que 2% même si ce n’est pas à négliger. D’ailleurs, c’est pour cela que nous privilégions plus le transport en conteneur que l’avion par exemple. Là où nous avons un axe d’amélioration c’est sur comment ne pas utiliser de nouvelles ressources naturelles pour fabriquer de nouvelles matières. Nous favorisons l’utilisation de déchets ou des matières déjà existantes via le recyclage pour recréer de la matière. Nous aurons les chiffres en 2021, mais je pense que l’impact est déjà là puisque nous avons lancé nos baskets et nos sacs à dos avec des matières recyclées.

M.S : Comment réagit la clientèle?

K.G : Il y a eu un engouement notamment des magasins qui formulent la demande autour de ces produits recyclés.

Nettement, les baskets restent le produit phare.

Le domaine de l’équitable et solidaire est déjà bien marqué et c’est un plus. Actuellement, une matière recyclée coûte 3 fois plus cher qu’une matière conventionnelle. De ce fait, notre produit recyclé sort 15 euros plus cher, pareil que pour les produits en cuir. À ce titre, une seule question, payer le même prix pour avoir des produits recyclés ? C’est mitigé parce que certains veulent le faire et d’autres ne sont pas convaincus par le prix du produit recyclé.

Ce n’est pas encore considéré comme essentiel, mais c’était notre volonté de le faire et nous allons continuer à le faire.

D’ailleurs, nous allons essayer de l’automatiser dans tous nos nouveaux développements. Et je pense qu’avec le temps, et une demande qui augmente, cela va devenir de plus en plus la norme. Ainsi les coûts aussi se rapprocheront de ce qu’on a en ce moment sur les matières conventionnelles.

Une dernière chose sur nos enjeux écologiques, depuis cette année nous sommes certifiés et labellisés Bcorp, avec une volonté de se dire qu’ils vont nous permettre de poser les bonnes questions dans tous les domaines de l’entreprise (gouvernance, RH, etc…), pour que nous puissions nous améliorer et progresser en France. Avec le réseau que pouvait nous ouvrir Bcorp, le Réseau entreprendre, et récemment, l’entrée dans le réseau DRO (Dirigeant Responsable de l’Ouest), nous pouvons partager avec d’autres chefs d’entreprises, les bonnes pratiques que les uns et les autres ont adoptées dans leur organisation pour nous donner de bonnes idées, et nous permettre de créer des synergies.

M.S : Est ce que tu as un conseil pour les entrepreneurs de projet à impact ?

K.G : Les conseils sont souvent “touchy” et loin de moi l’envie d’être un moralisateur ou autre, mais si je devais donner un conseil (ou plusieurs), si vous souhaitez créer votre entreprise, souvent le plus dur reste le passage de l’idée à l’action. Pour moi, il y a juste une chose qui permet de le faire, c’est d’avoir une certaine dose d’irrationalité. On nous apprend avec des études supérieures la théorie (business plan, étude de marché, etc.). Le fait de se concentrer là-dessus nous fait douter. Pour ma part, si j’avais été focalisé sur le calcul du nombre de paires à vendre pour dégager un salaire, à ce jour nous n’aurions pas encore créé N’GO Shoes. Ce qui nous a permis de créer N’GO, c’est que nous avons mis de côté cette aversion au risque, nous avons été un peu irrationnel en nous disant que nous n’avons rien à perdre. À 25 ans, nous avons eu envie d’adrénaline, de fun dans notre vie, alors nous nous sommes lancés ! Au pire, nous aurions appris plein de choses. Et aujourd’hui, cela fonctionne, nous sommes une équipe de 4 personnes donc c’est génial ! Cela aurait pu ne pas marcher aussi, mais cette prise de risque a été payante. Donc :

  1. le côté irrationnel,
  2. se dire qu’on n’a pas besoin de 50 000 euros pour se lancer. Nous n’avons eu que 6 000 euros au début, et actuellement nous avons plusieurs sources de revenus extérieures
  3. on parle beaucoup de RSE y compris les grandes entreprises qui se mettent à vouloir une logique responsable. Dès le début du projet, le fait d’en parler donnera plus de sens et s’intégrera plus facilement. J’encourage d’ailleurs, toutes les personnes qui veulent créer une entreprise, à se demander ce qu’elle pourrait apporter à la société et comment elles pourraient se rendre utile, au-delà de l’entreprise elle-même.

Je pense que toute entreprise a la possibilité d’avoir un apport soit auprès de ses salariés, soit auprès de ses parties prenantes, pour avoir un impact positif. Je pense même que c’est un devoir vu le contexte, il est important de se poser les bonnes questions pour ne pas juste monter une entreprise pour faire du business. Bien évidemment, l’activité ne peut pas être basée uniquement sur la RSE, mais avec tous les secteurs (plutôt large) qui touchent l’entreprise, il y a une possibilité d’avoir un impact positif.

M.S : Une personne à recommander pour le prochain podcast

K.G : Les mini mondes : une boîte nantaise de Marine et Quentin. Ils sont les premiers à s’être lancés dans les jouets éco-responsables avec du plastique recyclé. C’est un projet que je trouve très intéressant, avec une idée autour du voyage.

Merci beaucoup pour cet échange et à très bientôt !

Melody Schmaus, agence CAUSE

Marketing digital et Communication RSE pour un impact positif

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