Ep.26 : Léa THOMASSIN de HelloAsso – La solution de paiement des associations

  • Post category:Podcast

Ecouter sur Apple Podcast
Ecouter sur Spotify
Ecouter sur Amazon
Ecouter sur Google
Ecouter sur Deezer
Ecouter sur Youtube

Notre podcast Business Positif a accueilli Léa Thomassin, co-fondatrice et présidente de HelloAsso, une entreprise sociale et solidaire au service des associations.

[RETRANSCRIPTION] Dans cet épisode nous parlons de :

Melody SCHMAUS :  Bonjour Léa ! merci beaucoup d’être là aujourd’hui dans Business Positif.

Léa THOMASSIN : Bonjour Melody, avec plaisir !

M.S. : Je suis très contente de te recevoir parce que ma première expérience ESS, c’était avec HelloAsso, il y a 10 ans. Du coup, j’ai suivi toute l’aventure que tu vas nous raconter aujourd’hui.

Peux tu déjà nous re-situer le secteur d'Hello Asso et son action auprès des associations ?

L.T. : La mission d’HelloAsso est d’accompagner les associations dans leur transition numérique. Nous avons lancé le projet, en 2009, avec mon associé Ismaël Le Mouël, et nous avions identifié deux choses.

D’une part, nous avons, en France, un secteur associatif qui est très puissant. Nous sommes les champions européens de l’associatif (plus de 1,5 millions d’associations), et énormément d’associations agissent sur plein de thématiques très variés : la culture, les loisirs, les sports, l’action sociale, l’action citoyenne, la défense des droits.

Le deuxième point, c’est qu’il y avait, dans le numérique, une vraie opportunité pour aider ses associations à se faire connaître. D’une part, parce qu’elles étaient assez peu connues et reconnues. D’autre part, pour les aider à se financer, à fédérer plus de personnes autour d’elles. Cela peut représenter un levier de développement assez fort.

M.S. : Vous étiez assez pionnier à l'époque. Il y a dix ans c'était un sujet très jeune pour le secteur associatif, le fait de pouvoir numériser ses outils.

L.T. : Complètement ! C’est vrai que, en 2009, pour beaucoup de structures, c’était le début du numérique et dans les associations, d’autant plus. Les entreprises ont mis en place des formations à destinations de leurs collaborateurs, des plans de développement et, petit à petit, ont transformé leurs activités avec le digital.

Dans les associations, le public est essentiellement bénévole et n’a pas pu bénéficier de tout cet accompagnement réservé au « corporate ». Le numérique était, donc, encore très balbutiant.

Très rapidement, nous avons choisis de nous concentrer sur la partie financière. En effet, c’est le nerf de la guerre pour les associations. Sans argent, il serait compliqué de mettre en place leur projet. Donc, nous avons développé des solutions de paiement à destinations des associations, spécifiquement.

Nous avons commencé par développer des outils de don en ligne, pour leur permettre de pouvoir recueillir des dons sur internet.

Avant, la générosité c’était l’envoi d’un chèque en fin d’année à des grandes ONG qui avaient pignon sur rue. Le digital a permis de démocratiser cette collecte de fond et de la rendre accessible aussi à des petits projets. Notamment grâce au crowdfunding qui a encouragé beaucoup d’acteurs à se tourner vers leur communauté pour financer de nouveaux projets.

M.S. : Ce qui est génial, aussi, c'est le modèle économique que vous avez imaginé dès le début. Au delà d'être innovant, il est courageux !

L.T. : Effectivement, nous sommes parti, dès le début, sur un modèle atypique.

Concrètement, nous ne prenons pas de commissions sur les paiements qui sont géré par HelloAsso et il n’y a pas de frais d’inscription pour les associations.

Nous proposons aux personnes qui vont contribuer à une association, de verser, en plus, une contribution volontaire à HelloAsso.

Quand on a démarré, on avait pour inspiration des modèles aux USA qui se base sur ce système. On appelle ça le « tip base » ou « pay as you want ». Vous payez ce que vous voulez pour le service.

Nous avons aimé l’idée de pouvoir laisser le choix au contributeur, de pouvoir rétribuer le service en fonction de la valeur que ça lui apporte.

On était aussi attaché à la transparence du modèle. Il y avait, à ce moment là, l’émergence de beaucoup de plateformes d’économie collaborative qui avaient toutes choisies de ponctionner une commission. Nous ne nous reconnaissions pas dans cette approche.

Aujourd’hui, notre modèle a fait ses preuves. 60% des personnes qui font un paiement sur HelloAsso, choisissent de laisser une contribution volontaire pour faire vivre la plateforme. Cela nous permet de développer nos outils pour pouvoir accompagner les associations, et c’est notre unique source de revenu.

Le modèle de la contribution volontaire fonctionne dès lors qu’il y a un très grand volume de transaction. En effet, le don moyen versé est de l’ordre de 2€. Nous sommes, donc, sur des tous petits revenus à chaque transaction. Ça ne suffit donc pas pour développer l’entreprise. Nous avons choisi, pendant 3 ans, de travailler pour des entreprises et de développer des plateformes numériques autour de leurs engagements solidaires, autour des associations qu’elles soutenaient.

Par exemple, nous avons lancé des plateformes de vote pour la fondation EDF qui lançait ses  »trophées des associations ». Ça nous a permis de générer du chiffre d’affaires, de payer les salaires en attendant que la plateforme HelloAsso se développe suffisamment pour vivre uniquement sur le modèle de la contribution volontaire.

M.S. : Quelle a été ta motivation ? Pourquoi es-tu restée chez HelloAsso ?

L.T. : Vaste question. En 2003, j’ai été frappée par un professeur qui nous a parlé de développement durable. Bien que la problématique du réchauffement climatique a été décrite dès les années 80, en 2003, nous n’étions pas sensibilisé sur ce sujet là.

J’ai un souvenir très marquant de ce cours. Il parlait de développement soutenable, comment imaginer des entreprises, au sens large, qui soient respectueuses de la planète mais aussi des humains, qui soient attentives à l’impact social qu’elles ont. Ça a pas mal raisonné en moi.

Puis, j’ai eu des expériences dans l’associatif, dans des ONG. Je me suis passionnée pour les problématiques liées aux droits de l’Homme. J’ai hésité à reprendre des études de droits pour travailler dessus. J’étais un peu frustrée parce que je trouvais que c’était laborieux, que l’impact de nos actions tardait à venir.

J’ai donc souhaité voir comment avoir une approche plus micro en ayant un impact plus rapide. J’étais assez convaincu que les entreprises avaient un rôle à jouer sur le sujet. J’ai travaillé sur les partenariats entre entreprise et associations, sur le développement de mécénat, au sein d’un espace de coworking dédié à entrepreneuriat social à Paris, la Ruche.

J’ai rencontré Ismael et Bruno qui étaient assez pionniers sur ces questions d’entreprises sociales : comment monter un projet qui a pour objectif un impact social et qui utilise le levier économique et la forme de l’entreprise pour y arriver.

C’est comme ça qu’est né le projet qui s’appelait Mail For Good et qui est devenu HelloAsso.

Les associations sont de rares endroits où primes l’intérêt collectif. La société est de plus en plus individuelle et individualisée.

On gagne à se connaître, on gagne à faire des projets ensemble et à pouvoir mettre nos énergies aux services de projets qui nous dépassent.

Je participe encore aujourd’hui a beaucoup de projets associatifs et je suis assez frappée de voir comment l’objet social d’une association peut prendre le pas sur nos propres intérêts.

C’est une cause dont on ne retire pas de bénéfices, si ce n’est la satisfaction de pouvoir contribuer à ça.

Je suis, donc, toujours, complètement fascinée par ses dynamiques et j’ai envie de pouvoir accompagner ses acteurs.

Par rapport à ça, je pense que le numérique est un super pouvoir. C’est un outil hyper puissant, qui se développe énormément. Beaucoup de projets numériques sont très mercantiles. Internet est un grand super marché en ligne. Je pense qu’on a tout a gagné à mettre ce super pouvoir entre les mains des acteurs qui font l’intérêt général et nous n’en sommes qu’au début.

Plus les acteurs de l’intérêt général vont être équipés et vont s’approprier ses outils là, plus leur impact va être multiplié.

MS : Il y a aussi une mouvance pour remettre du sens et remettre l'intérêt général au cœur avec le mouvement d' ''entreprise à mission''. Que penses-tu des labels comme Bcorp ?

L.T. : Nous n’avons pas fait les démarches pour être Bcorp. HelloAsso a l’agrément ESUS (Entreprise Solidaire d’Unité Sociale) qui va justement garantir un certains nombre de principes d’organisation, de rémunération, de redistribution des bénéfices, de gouvernance partagée. Cela vient au delà du modèle économique de l’impact.

C’est très important que les entreprises s’interrogent sur le  »comment », au delà du  »quoi ». Je dis souvent que changer le monde ça commence par changer la vie des personnes qu’on voit au quotidien et c’est vrai que tous ses enjeux liés au bien être au travail et à la manière dont on va fonctionner en tant qu’équipe est pour nous primordiale.

Après, je regarde avec beaucoup d’optimisme ce qui est en train de se passer. Beaucoup d’entreprises sont en train de se transformer.

L’entrepreneuriat social c’est des personnes qui ont créé une initiative économique, avant tout, au service de la résolution d’un problème social et environnemental. L’aspect économique du business et le moyen ne sont pas la fin.

Je pense que pour des entreprises qui ne se sont pas lancées avec cette approche initiale ça reste compliqué de mener une transformation jusqu’au bout parce que l’entreprise a été lancé pour générer des bénéfices pour ses actionnaires. Je trouve ça très bien qu’elles y aillent, malgré tout, et je trouve d’autant plus positif qu’il y ait de plus en plus d’entreprise qui se créé avec la motivation de résoudre un problème dès le départ.

Les valeurs de l’impact vont porter le projet plus que d’être perçu comme des contraintes.

Il y a vraiment ces deux dynamiques qui se rencontrent, se nourrissent.

De plus en plus d’entreprise se lancent sous forme d’entreprise sociale pour intégrer tous ces éléments d’impact qui soit environnemental ou social dans les valeurs, dans l’ADN de l’entreprise dès le début.

M.S. : Justement, comment avez-vous fait ? Il y a eu l'idée, les tests puis le lancement ? Il y a dix ans, vous étiez 5 pour 2 000 associations. Aujourd’hui, vous êtes 75 pour 150 000 associations. Comment s'est passée cette évolution ? Y a t il eu des grandes étapes de vie qui vous ont permis d'accélérer ?

L.T. : Sur les étapes de développement, depuis la création, il y a eu 4 phases qui ont chacune duré 2-3 ans.

La première : la traversé du désert, les 3 premières années. On cherchait à développer le premier produit et on s’est heurté à beaucoup de difficultés, techniques ou commerciales, pour promouvoir le produit. Nous avons testé pas mal de chose, beaucoup n’ont pas marché. Du coup, on a changé d’idées, on a testé de nouvelles choses, et vers la fin de cette phase-là, on a commencé à faire des outils de paiement en ligne.

 

Ensuite, on a eu une phase de développement, en 2013. Le produit que nous avions sorti a plu aux associations. Les premiers utilisateurs nous ont permis d’apprendre énormément. Grâce à eux nous avons pu orienter les futurs développement, nous imprégner des besoins des associations.  

Comme nous étions assez proche de ces associations, ça nous a apporté énormément d’insight sur la suite.

A ce moment là, nous sommes dans une pénurie de moyen technique, avec une toute petite équipe techniques, avec le sentiment d’assembler des bouts de ficelle, de bricoler. Cette phase a été très exaltante. Elle correspond au moment où on a choisi d’emménager à Bordeaux et nous avons pu faire une levée de fond de 1 million d’euro à ce moment là. Cela nous a permis de renforcer l’équipe.

 

Ensuite, nous avons eu une phase de pérennisation de l’entreprise. Cette phase a été salutaire d’un point de vue économique et nous a également permis d’apprendre énormément d’un point de vue technique et opérationnel. Mais aussi de nous professionnaliser, en travaillant au contact de très grand groupe : EDF, Orange, Google avec Facebook.

M.S. : Aurais tu un exemple de ce que vous avez pu mettre en place avec une de ces entreprises ? Comment avez-vous utiliser votre entreprise et votre mission dans ce cadre ?

Par exemple, on a développé pour Orange, une plateforme de crowdfunding, en Côte d’Ivoire, qui s’appelait Orange Collecte. Cette plateforme avait la particularité de ne pas se baser sur la collecte via internet mais via le paiement par téléphone. Là bas, ils utilisent beaucoup l’USSD. C’est vraiment lowtech et ça a été instructif car nous avons réinventer notre métier. Nous avons donné des formations auprès d’acteurs qui sont très différents. Nous y sommes allés et une personne de notre équipe y a travaillé.

Ça a été une expérience très riche d’apprentissages.

On a pu réutilisé ce qu’on savait faire et l’adapter à une technologie complètement différente.

M. S. : Cela vous a permis de nouer un éco-systeme un peu différent de celui que vous aviez jusque là. Qu’est-ce qui fait que Orange est parti avec vous ? Le fait d’être en lien avec le secteur associatif ?

L.T. : Oui et puis on était parmi les pionniers à développer une plateforme de crowdfunding. C’est aussi le caractère innovant de cette usage là qui les a interpellé. Et Orange, comme pas mal d’entreprise tech, se reconnaissait aussi dans le message que nous portions et qui est  »Mettons le numérique au service de l’intérêt général, au servie de la résolution de problème de société. »

Nous avions crée un événement qui était la « Social Good Week » qui visait a fédérer tous les acteurs qui développaient des initiatives où la technologie est véritablement mise au service du bien commun et de l’impact social.

M.S. : On arrive donc sur cette phase 2 de développement BtoB.

L.T. : Cela a été une phase de consolidation financière mais aussi de consolidation du produit et des outils de paiement que nous avions développé pour les associations.

A ce moment là, nous avons fait évoluer nos technologies pour des solutions plus stables, plus professionnelles. C’est aussi un moment où chaque année, entre 2013 et 2017, le nombre d’associations a doublé et le volume collecté a doublé également. Nous étions dans une phase d’accélération assez forte sur les bénéficiaires de nos outils et nous nous développions uniquement sur du bouche à oreille ou bien des actions comme celle que je décrivais avec la « Social Good Week ». Nous n’avions pas de budget à consacrer au marketing ou à la communication donc c’était vraiment par nos utilisateurs et l’écosystème élargit que la solution HelloAsso s’est diffusé et s’est fait connaître.

En 2017, on voit que notre produit plaît aux associations. Nous avons donc décidé, dès 2015, de développer toute une activité de formation et d’accompagnement, en parallèle.

Nous avions identifié que les outils seuls ne suffisaient pas. Pour beaucoup d’associations, il y a un enjeu d’appropriation du numérique, du digital, pour véritablement pouvoir s’en saisir et pouvoir le mettre a profit de son projet.

Nous avons donc testé pas mal de chose. Notamment, un MOOC. Pour certains public associatif, rien que de trouver le MOCC en ligne c’était compliqué.

Donc, nous avons fait un tour de France et nous avons réalisé pendant 1 mois, 25 formations dans 25 villes. Et nous avons été stupéfait, car nous étions relativement peu connu et il y avait énormément d’associations dans la salle à chaque fois. On s’est dit qu’il y avait un vrai besoin de formation et d’accompagnement.

Nous avons mis en place une nouvelle approche qui était de former des formateurs.

Nous avons lancé tout un programme qui s’appelait  »les experts HelloAsso » pour avoir, partout sur le territoire, des personnes qui étaient en capacité d’accompagner des associations dans leur prises en main du numérique. Aujourd’hui, ce programme va encore plus loin, car nous l’avons pensé collectivement, avec le mouvement associatif et la Fonda :  »Les points d’appui au numérique associatif » ( P.A.N.A).

Il y a, aujourd’hui, un peu plus de 350 points d’appuis qui ont été accompagné sur le numérique. Des maisons, des associations, des caisses régionales d’économie sociale et solidaire, des têtes de réseaux associatifs.

M.S. : Vous êtes un peu des passeurs de savoir. Vous venez transmettre à ceux qui sont déjà en contact avec toutes les associations de leur secteur. C'est une manière de re-territorialiser tout ça.

L.T. : Effectivement, la particularité du secteur associatif c’est qu’il est fédéré, par thématique, par lieu d’implantation. On a donc cherché a pouvoir, collectivement, introduire le numérique et être en appuis de tous ses acteurs là sur la prise en main de ses outils. Nous avons pu comprendre quels sont les bénéfices et quels sont les points d’attention à avoir quand on se lance sur internet. Cela nous a aussi permis de décupler le savoir pour qu’il puisse être rendu accessible à un grand nombre d’associations.

M.S. : Le service est gratuit donc beaucoup d'associations peuvent s'inscrire sans l'utiliser. Il y a un vrai sujet autour de l'activation. Comment abordez-vous cette question là, l'activation, quand vous avez 150 000 associations ?

L.T. : Le service est gratuit, les associations peuvent s’inscrire, faire un tour dans le bac office, découvrir les outils et rien ne les oblige à les utiliser. On aura toujours beaucoup d’associations qui s’inscriront et qui ne nous utiliseront pas.

Nous allons donc chercher à voir comment aider les associations à s’en saisir.

On a mis en place beaucoup d’actions mais la principale c’est, qu’aujourd’hui, on prend contact avec les associations qui s’inscrivent. Nous avons une équipe qui est dédiée à souhaiter la bienvenue aux nouvelles associations. Cette équipe va pouvoir les appeler le lendemain de leur inscription pour identifier le besoin qui les a amené à nous et voir comment on peut les aider à mettre en place leur projet sur la plateforme.

Nous portons ses deux activités. Nous développons des outils numériques et nous accompagnons les associations. Nous avons 25 personnes dans notre équipe tech et 25 personnes qui accompagnent les associations au quotidien. Nous avons investit fortement sur cela.

Nous avons ouvert des antennes territoriales. L’accompagnement fait vraiment parti de notre ADN. Les associations sont très agréablement surprise de voir que nous sommes gratuits mais que nous les appelons pour savoir s’ils ont besoin d’aide.

On voit que par l’expérience qu’à acquise l’équipe, il s’agit parfois de 20 minutes au téléphone qui vont permettre de débloquer l’association, et nous allons pouvoir l’orienter.

C’est important car parfois on va être en interaction avec des associations où il y a une fracture numérique très forte. Par exemple, quelle est la différence entre une URL et une adresse mail ?

Nous allons les orienter vers des points d’appuis au numérique associatif pour que des personnes puissent les accompagner en profondeur.

L’accompagnement est une très grande activité d’HelloAsso. Il représente 15 000 contacts avec les associations, tous les mois. Par téléphone, par mail, via le tchat en ligne… Contrairement à beaucoup d’entreprises, nous prenons le temps nécessaire pour pouvoir accompagner les associations. Cela fait aussi partie de notre mission sociale que nous nous sommes fixée.

M.S. : Vous le faîtes parce qu'en terme de fonctionnement d'entreprise, vous voyez bien que ça marche.

L.T. : Je pense que c’est très rassurant pour les associations. Comme je le disais, l’approche numérique n’est pas forcément quelque chose de très ancré dans leur structure.

De pouvoir avoir des humains au téléphone qui vont être disponibles, répondre, leur expliquer, ça enlève la méfiance qu’elles peuvent avoir vis-a-vis du numérique. Nous sommes une solution de paiement, les associations vont collecter via notre intermédiaire. La notion de confiance est, donc, primordiale dans notre activité. Cela passe aussi par la relation humaine. Après, c’est très précieux pour nous, effectivement, car plus on accompagne les associations, plus on voit qu’elles vont se saisir de nos outils, les utiliser et in-fine nous nous y retrouvons aussi en terme de modèle économique. Cela nous permet de rester très proche de ce tissus associatif.

Tous ses échanges quotidiens nous permettent de rester très connecté. Cela a été d’autant plus important pendant la crise du COVID.

M.S. : Comment avez vous vu le secteur impacté par cette crise-là ?

L.T. : Nos outils ont pu répondre à certaines problématiques qu’elles ont rencontrées.

Nous, au premier confinement, nous nous sommes dit, avec toute l’équipe, que nous allions écouter, recueillir et comprendre quels sont les besoins des associations dans cette période là. Nous n’avons écarté aucune possibilité d’action. C’est vraiment le message qui a été diffusé dans toutes les équipes. On a identifié très vite que les associations n’avaient pas de système collaboratif, pas de visio, pas de drop box pour partager les documents.

Sur les premières semaines, nous avons mis en place des formations sur « comment continuer à travailler à distance, comment collaborer». Sur 6 semaines, nous avons formé 8 000 associations. Nous faisions des formations ou il pouvait y avoir jusqu’à 300 – 400 associations par webinar.

Les associations de soutien aux personnes en situation de grande précarité ont vu les files d’attente se rallonger dans les distribution alimentaire et on eu des fonctionnements assez perturbés. Par exemple, le Secours Populaire ou les antennes de la banque alimentaire vivent grâce à l’engagement des bénévoles et parmis leurs bénévoles, beaucoup sont retraités. Donc, en très peu de temps, beaucoup de bénévoles n’ont plus pu venir et se rendre sur place. Elles ont du revoir leur fonctionnement et, en parallèle, il y avait de plus en plus de bénéficiaire.

Beaucoup ont mis en place des collectes d’urgences financières. On a voulu les accompagner dans ces démarches-là et nous nous sommes alliés à d’autres acteurs. Nous avons créée une plateforme commune qui s’appelait doncoronavirus.org. Nous avons pu communiquer pour la faire connaître auprès du grand public. Nous l’avons lancé avec Ulule, KisskissBankbank, Giveexpert.

La plateforme référençait toutes les collectes menées dans les associations qui avait besoin du soutien du grand public.

Cette initiative a permis de collecter plusieurs dizaines de millions d’euros et nous avons vu un véritable élan de générosité à ce moment là. Nous avons cherché à drainer un maximum de soutien vis à vis de ses associations qui en avaient besoin.

M.S. : Quels dont les défis à venir pour HelloAsso?

L.T. : Nous sommes très préoccupés par la situation et l’impact que le COVID a pour les structures associatives. Sur l’année 2020 on a vu beaucoup de solidarité. Je pense que 2021 va être beaucoup plus dangereuse pour la pérennité de beaucoup de structures. Nombreuses sont inquiétées sur leur capacité à tenir, beaucoup d’associations sont en sommeil et espère pouvoir mener des actions en 2021 qui leur permettront de perdurer dans le temps.

Je pense qu’il y a un vrai enjeu vis a vis de la pérennité des acteurs. On voit qu’il y a du renouveau. Je pense que le COVID nous a tous forcé à évoluer très vite, de manière assez radical. Les associations se réinventent et vont mettre en place de nouvelles actions sur la manière de se financer.

Nous avons une opération en fin d’année avec les sapeurs pompiers. Ils vendent des calendriers caque année qui sont des sources de revenus importantes. Ils ont vendu leur calendrier en ligne en 2020 via HelloAsso. Ça a très bien fonctionné.

Les associations sont en train de changer leurs pratiques et essaient de trouver de nouveaux moyens pour se financer et pour pouvoir mener les actions. Les besoins ne vont faire que se renforcer avec l’impact «économique de la crise ».

Nous essayons d’orienter les actions que nous mettons en place. Avant le COVID, l’outil le plus utilisé sur HelloAsso et qui assurait une grande partie de nos revenus était la billetterie en ligne. Ça a été un choc, au moment du COVID car cela s’est complètement arrêté. Nous avons développés d’autres outils pour avoir d’autres opportunités de collecte.

Nous souhaitons continuer à accompagner les innovations, les évolutions d’usages qui vont se mettre en place dans le secteur associatif et continuer à être soutien aux associations.

Nous allons créer un groupe Facebook d’entraide aux associations. Nous avons plus de 3000 associations qui sont dessus, qui se partagent des conseils, qui s’entraident. Dans les moments que nous vivons, le plus gros risque, c’est l’isolement.

Ce groupe a été un réel soutient pour beaucoup d’associations car elles ont des problématiques qui sont proches.

Je lis quasiment tous les jours ce qui arrivent sur le support client. Je pense que c’est fondamental de rester très aligné avec les acteurs pour lesquels on fait ce qu’on fait.

Nous avons mis en place un programme pour tous les collaborateurs où on encourage chacun, chaque mois, à prendre le téléphone avec l’équipe accompagnement. 

Je m’attache à le faire régulièrement, ça me ré-énergise. Les associations au téléphone me racontent leurs projets et je comprends mieux leurs besoins. Je leur pose des questions sur certains sujets et j’essaye de sentir leur réalité. Je pense que c’est fondamental.

Cela nous rend plus pertinent et c’est aussi un moyen d’entretenir la motivation. Je sais que j’en ai besoin.

M.S. : Comment mesurez-vous votre impact ?

Depuis notre création, nous avons collecté près de 400 millions d’euros pour le secteur associatif. Nous essayons de lancer des recherches pour savoir dans quel secteur, pour quel typologie de projet. Nous nous intéressons aussi beaucoup à l’impact que nous avons en tant qu’entreprise et nous souhaitons limiter notre impact négatif.

Nous avons intégré un programme qui s’appelle « leaders for climate action » avec comme engagement de réduire l’impact carbone. Le numérique est un gros pollueur.

Nous allons aussi essayer de sensibiliser les acteurs que nous accompagnons et les associations à tous les enjeux d’impact carbone.

Après, nous allons lancer un vaste chantier de mesure d’impact à 360°. Le montant collecté reste notre premier indicateur sur cette question d’impact social.

M.S. : Peux tu me parler de la "fondation des femmes" ?

L.T. : Je suis engagée, depuis plusieurs années, sur l’enjeu de l’égalité entre les femmes et les hommes. J’ai participé à la création de la fondation des femmes en 2015, lancée par Anne Cécile Mailfert.

Je pense qu’en tant que jeune femme, dans la tech, j’ai été confrontée au sexisme ordinaire. J’ai des souvenirs de réunion : quelqu’un évoque un café, je suis la seule femme, tout le monde me regarde, comme si c’était une évidence que j’allais aller les chercher. Et c’est la partie mignonne.

Il y a beaucoup d’association qui font de la sensibilisation, qui luttent contre les violences et ces associations ont rencontrées des problèmes de financement. L’objectif de la « Fondation des Femmes » est de lever des fonds pour ses associations.

Je suis ravie de continuer à m’y engager assez fortement.

Effectivement, il faut balayer devant sa porte et chez HelloAsso nous cherchons à être exemplaire sur ce sujet là. Nous avons donc mis en place un certain nombre de mesures. La directrice générale de HelloAsso est une femme ce qui rend notre direction assez singulière.

J’aimerai que ce soit une norme. Nous en voyons de plus en plus. Et vis a vis de nos collaborateurs, on a mis en place le « parental act ».

L’arrivée d’un enfant est le moment où l’on constate qu’il y a un décrochage dans la carrière des femmes. Il existe encore des managers qui vont privilégier la promotion d’un homme car il ne représente pas ce risque d’absence lié à la maternité. Alors que si homme et femme on le même congé suite à l’arrivée d’un enfant, cette approche dans la promotion est complètement gommée. Pour moi, le congé paternité est un levier très fort d’égalité professionnelle ainsi qu’un levier fort d’égalité à la maison.

Si on est deux à ce moment là, à se partager toutes les taches domestiques, ce sont des habitudes qui restent.

On fait aussi progresser notre index égalité femme/homme. On accompagne beaucoup et spécifiquement parfois, les femmes chez HelloAsso pour s’assurer qu’il n’y ait aucun frein à leur développement.

M.S. : Une musique ou un film qui illustre ta vision du business positif ?

L.T. : Un film qui m’a beaucoup marqué : « Les invisibles « .

C’est un film qui suit une association qui accueille des femmes en très grande précarité et où on voit toute la débrouillardise qu’il existe dans les associations.

On voit aussi à quel point les bénévoles qui s’en occupe déplacent des montagnes et consacrent une énergie énorme à la mission qui les anime. C’est peut être un peu loin du business mais je trouve que ce film gagne à être vu parce que ça montre vraiment ce que vive beaucoup d’associations et comment elles gèrent des projets qui sont des projets d’envergure de la même manière que des entreprises.

Un acteur à me recommander qu'il serait intéressant de podcaster ?

Sarah Durieux la directrice France de Change.org. Change a beaucoup évoluer dans son modèle et je trouve qu’ils se sont posés beaucoup de questions.

C’est une entreprise qui s’est montée pour donner du pouvoir d’agir et mener des campagnes de mobilisations. Ils ont ensuite eu beaucoup d’évolution sur leur modèle économique, notamment pour arriver à une vision qui repose sur du don. Je trouve que le chemin parcouru est assez intéressant et Sarah Durieux fait un travail assez incroyable pour démocratiser la capacité que chacun et chacune d’entre nous avons à pouvoir prendre action par rapport aux sujets ou aux causes qui nous interpellent.

M.S. : Ok je vais aller regarder ça ! Un grand merci pour tout cet échange et ce partage d’expérience.

À très bientôt !

L.T. : Merci beaucoup !

Melody Schmausagence CAUSE

Pour découvrir tous les podcasts, c’est par ici.