#16 : Booster sa visibilité grâce à l’engagement par l’objet

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Gifts For Change

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Alexis Krycèvefondateur de Gifts For Change, nous reçoit dans l’espace de coworking La Ruche, un incubateur foisonnant qui regroupe des business positifs, des associations, des personnes engagées qui cherchent à développer des projets à impact… Il nous partage son parcours et sa vision de ce qu’il appelle « l’engagement par l’objet », à travers nos trois questions principales auxquelles il a bien voulu répondre :

  1. Qu’est ce qui t’a amené à créer Gifts For Change ?
  2. Comment as-tu développé cette activité ?
  3. Pourquoi as-tu choisi de faire de Gifts for Change à la fois une entreprise à mission et une entreprise Bcorp ?

M.S : Bonjour Alexis !

A.K : Bonjour Melody !

M.S : Depuis combien de temps Gifts for Change a ses bureaux à La Ruche ?

A.K : Cela fait à peu près 3 ans que Gifts For Change a ses bureaux à La Ruche. Avant, nous avons partagé des petits bureaux un peu partout. La Ruche avait des bureaux dans le 10e, quand ils ont décidé d’emménager ici dans le 20e dans un espace plus grand, et comme nous cherchions des bureaux à ce moment-là, nous nous sommes retrouvés ici.

M.S : Pour commencer, qu’est ce qui t’a amené à créer Gifts For Change ?

A.K : Je ne sais pas par où commencer. J’ai fait une école de commerce HEC, et en fin de première année on m’a fait plusieurs propositions dont le fait de faire un stage humanitaire. J’ai choisi de partir au Népal à 19 ans, c’était la première fois que je partais aussi loin. Je me suis retrouvé plongé dans une vie foisonnante, celle que je voyais à la télévision. Je me suis retrouvé dans des villages à 3000 m d’altitude :

  • pour essayer de construire des fours à foyer améliorés avec des villageois,
  • à jouer au foot avec les enfants,
  • à donner des cours d’anglais,
  • et à rencontrer des gens au bout du monde avec qui j’ai pu partager des moments remplis d’émotions.

Nous partons avec cette espèce de supériorité en se disant “qu’on va leur apprendre à…” mais au final c’est “nous qui avons appris d’eux”. A ce moment-là, cela m’a un peu transformé. C’était une étape assez marquante pour moi, car c’est quelque chose que ma scolarité ne m’avait pas apporté. Quand je suis sorti du HEC, il y a 20 ans, on ne parlait pas encore de toute cette quête de sens. En tout cas, je sentais que pour être motivé durablement, il fallait que je travaille dans quelque chose qui aille au-delà de ce que j’ai pu faire en stage de marketing à L’Oréal.

J’avais envie d’être porté par une chose qui me dépasse

Ma passion était la musique et je suis de nature à aller facilement à la rencontre des gens. J’avais aussi envie de travailler à améliorer un peu leur quotidien. Je me suis donc dit que j’allais travailler soit dans la musique, soit dans l’humanitaire.

J’ai envoyé un e-mail aux anciens de mon école, qui est arrivé entre les mains de Tristan Lecomte qui avait monté Alter Eco sous forme de boutique physique qui n’avait pas marché, et qu’il a dû fermer. Il a dû la relancer, mais cette fois en grande distribution, et c’est là que je l’ai rejoint. En ce temps-là, j’étais son premier salarié, et au départ, j’avais comme travail de préparer et monter les produits sur des palettes dans un entrepôt. Je faisais également le tour des magasins Monoprix pour vérifier qu’ils aient bien les bons produits en rayon à des prix discount. Ce qu’il faut savoir c’est que Alter Eco est une entreprise de commerce équitable, une marque de référence dans ce domaine en contribuant avec plein d’autres entreprises à la démocratisation de ce concept responsable. Cela a permis de mettre des produits (café, thé, riz, chocolat, etc…) achetés à des coopératives agricoles à travers le monde, à portée de mains des gens dans leur quotidien.

L’idée est de pouvoir dire aux gens qui veulent avoir de l’impact, qu’il est possible d’acheter un bon produit qui permet aux producteurs de cacao ou de sucre de vivre un peu mieux matériellement et plus dignement grâce à leur métier extraordinaire.

Donc c’était vraiment ma première expérience professionnelle, je sortais de l’école, je ne connaissais pas grand chose. L’humanitaire, j’en avais envie mais, en même temps, je n’avais pas forcément envie de travailler dans le milieu associatif parce que j’avais quand même un côté business et un autre côté engagement. Il y a 20 ans, à l’école on me disait que l’entreprise était là pour faire du bénéfice, du profit, « chacun son boulot ». Les associations et les pouvoirs publics venaient de leur côté corriger les travers, et tout cela marchait très bien. En gros, on me demandait de choisir. Moi, je trouvais dommage de :

  • renoncer à l’un ou à l’autre,
  • faire du business et me pincer le nez pour aller travailler tous les jours, en devant assumer des comportements insupportables,
  • ou choisir d’aller travailler dans l’associatif ou le non-profit, et faire une croix sur la volonté de développer un projet entrepreneurial.

J’ai fait une spécialisation en entrepreneuriat en dernière année HEC. J’ai trouvé ça passionnant d’avoir un projet et de le faire grandir. Aujourd’hui, je peux en parler beaucoup plus parce que je sentais que je pouvais être motivé par les deux et que c’est dommage de renoncer à l’un ou à l’autre.

En l’occurrence, quand j’étais en contact avec Tristan, j’ai lu ce qu’il écrivait et ce qu’il disait déjà dans les médias à l’époque. Il parlait très bien en disant : “je ne pense pas que ce soit l’un ou l’autre, il faut que ce soit l’un et l’autre et il faut arrêter de poser et d’essayer de trouver une voie pour concilier les deux.” En cela, il était vraiment un visionnaire, mais il y en avait plein d’autres. En France, nous n’étions pas forcément en avance sur ce sujet là, alors que dans les pays où il y a moins de culpabilité, dans les pays à culture protestante (Hollande ou ailleurs), ils sont très à l’aise pour concilier le business et l’engagement. A ce moment-là, c’est ce que nous essayions de dire. Dans la grande distribution, il y avait 9 % de notoriété du commerce équitable. De ce fait, peu de personnes savaient que cela existait depuis les années 70 (notamment avec le réseau Artisans du Monde de la Fondation Abbé Pierre), même cela été très marginal.

Nous avons donc fait le choix assumé de passer par la grande distribution. Il s’agissait ensuite de convaincre les consommateurs que :

  • c’est un premier pas vers l’engagement,
  • s’engager c’est bien et ça fait du bien à soi et aux autres,
  • c’est un peu plus cher, mais ce n’est pas plus cher qu’une qualité équivalente.

Cela a été ma première expérience professionnelle pendant 6 années hyper intenses. Quand j’en suis sorti, j’ai continué naturellement dans cette voie. J’avais acquis une conviction plus forte.

De manière caricaturale, si on veut réussir la transformation d’une société à laquelle on aspire, qui est essentielle pour notre survie, bien évidemment, on ne peut pas le faire sans l’entreprise. L’entreprise peut nous mettre en difficulté, mais c’est aussi et surtout elle qui peut nous en sortir.

Nous sommes tous collectivement acteurs, de cette “mouise” qui se définit par l’accroissement des échanges, de la population, de la jouissance instantanée pour tout le monde et tout le temps, et qui a développé un modèle de société qui n’est pas viable. Et dans bien des cas, c’est l’entreprise qui est pointée du doigt, qui a le pouvoir, l’argent, et qui incarne un modèle économique extrêmement financiarisé et développé. On se dit que l’entreprise c’est le capital, que ce n’est peut-être pas avec eux que nous allons y arriver, mais si nous faisons les choses sans eux ou contre eux, cela est voué à l’échec. Pour ma part, j’ai vécu à travers Alter Eco, à petite échelle, la démonstration que nous pouvons allier :

  • le développement dynamique fort, puissant d’une entreprise et d’une marque,
  • avec le développement dynamique, fort et puissant d’un impact positif, d’une famille de producteurs à travers le monde,
  • et le développement dynamique, fort, puissant et positif de la satisfaction des personnes qui achètent ces produits, un phénomène visible notamment dans leur manière d’en parler à leurs proches.

En bref, une démarche qui est positive pour tout le monde.

Et quand je suis parti, je me suis dit que si c’était possible à petite échelle, ce serait également possible à grande échelle.

Pour se faire, il faut réussir à convaincre les (grosses) entreprises, de s’engager dans une voie de transformation qui va faire qu’elles vont tendre vers la conciliation de leurs objectifs business et de leur impact positif.

M.S : Quel est le fil qui t’a amené à partir de Alter Eco pour créer Gifts For Change ? Est ce que ton entreprise HAATCH a fait le pont pour la développer ?

A.K : C’est vrai que les fils se sont tissés les uns avec les autres. Je suis parti de Alter Eco pour différentes raisons et j’avais aussi envie d’entrer dans une nouvelle phase. J’ai également pu participer avec Tristan Lecomte et bien d’autres, au lancement de Pur projet, une entreprise sociale qui développe des programmes de reforestation communautaire avec des producteurs agricoles. C’était une nouvelle idée de Tristan, celle de montrer que si l’on achète des matières premières à des producteurs agricoles dans des conditions plus favorables, on permet de les aider et de les accompagner dans la plantation d’arbres pour améliorer leurs parcelles en augmentant :

  • significativement leur revenus,
  • leur résilience face aux changements climatiques,
  • et leurs rendements.

A partir de ce moment-là, j’ai décidé de le faire à mon compte, comme consultant. J’ai donc créé une structure de conseil. Je suis allé voir les entreprises pour leur dire qu’avec leur activité, ils pouvaient :

  • améliorer et réduire leur impact (avec un bilan carbone),
  • se lancer dans de nouvelles initiatives positives en créant de nouvelles marques,
  • trouver des leviers pour leur permettre de s’engager dans la reforestation.

M.S : Tout cela, tu l’as fait en te formant, ou principalement en te reposant sur ton expérience, pour te sentir légitime et aller donner ces conseils aux entreprises ?

A.K : Très longtemps et même à ce jour, je ne me sens pas encore légitime dans cette posture de consultant parce que forcément, on vient donner des conseils à des personnes dans de grandes entreprises. Dans tous les cas, cette question de légitimité se pose toujours. Pour répondre à ta question, il y a une partie technique, qui ne s’improvise pas, que j’ai dû apprendre, comme le bilan carbone ou la mesure d’un impact. Cependant, la majeure partie de cette démarche est basée sur du bon sens, de la stratégie, une bonne capacité d’analyse et de la réflexion. Aujourd’hui, HAATCH a 11 ans, nous réalisons des missions de stratégie passionnantes pour de nombreuses entreprises : des grands groupes, des grosses PME… Elles viennent chercher chez nous une capacité de recul et la confrontation avec leurs propres enjeux. Ce n’est pas une discipline scientifique qui nécessite des compétences techniques très pointues. En revanche, plus le temps passe, plus l’expérience s’accumule, plus on a cette capacité de recul, pour donner un regard pertinent et montrer des voies qui permettent aux entreprises et aux personnes qui les constituent de trouver par elles-mêmes des leviers d’alignement entre des enjeux d’impact positif et des enjeux business. Aujourd’hui, les voies sont nombreuses pour concilier les deux, ce qui n’était pas le cas dans le passé. Très souvent, nous utilisons les critères de l’impact positif ou de l’engagement comme le prisme par lequel on regarde un sujet, c’est un super levier :

  • d’innovation et de création de valeur,
  • de remotivation des ces équipes,
  • de recrutement de nouveaux clients,
  • d’amélioration de ses marges,
  • etc…

… et donc de performance.

La conviction de toute ma vie professionnelle actuelle, c’est d’essayer de tordre le cou à cette idée de plus en plus “has been” heureusement, que pour réussir en tant qu’entreprise, il faut toujours tout salir, tous polluer, mettre certaines conditions de travail insupportables pour ces salariés, ou tordre le bras à ses fournisseurs, etc…

Malheureusement, c’est encore une majeure partie de ce qui peut se passer dans certains milieux. Cette conviction est de plus en plus forte et la raison pour laquelle je continue aujourd’hui à faire du conseil, c’est que je continue à croire fortement à la capacité de transformation des entreprises. Pour cela, il faut :

  • travailler avec elles,
  • trouver des solutions,
  • construire des projets crédibles et performants,
  • et donc comme tu l’as dit, parler le langage de l’entreprise, c’est-à-dire créer de la performance et comprendre leur problème.

L’engagement, la RSE, le développement durable, ce ne sont pas des leçons de morale ou de savoir qui a la plus belle conscience.

Au final ce n’est pas cela le sujet. Il peut y avoir des démarches philanthropiques dans une entreprise et il faut qu’il y en ait mais, ce qui a le plus fort effet de levier c’est quand on arrive à réconcilier ce qui développe l’entreprise et ce qui développe le monde positivement. Si on arrive à trouver cette voie qui concilie les deux, l’effet multiplicateur est infini et beaucoup plus puissant que les milliers ou centaines de millions d’euros que l’entreprise en fin d’année peut mettre éventuellement à disposition d’actions caritatives. Il faut aller au cœur de l’entreprise pour trouver des voies qui permettent d’ajouter dans le moteur ce que l’entreprise cherche à développer et à agrandir pour avoir un impact positif. Des objections, il y en aura toujours, mais la réalité de ce que j’ai vécu au sein d’Alter Eco, c’est que du moment que les dirigeants décident d’avoir un impact positif, c’est hyper puissant. Heureusement, tout cela commence à se développer, notamment avec les entreprises à mission, ou Bcorp, et cela devient une idée de moins en moins ringarde et de plus en plus moderne. Cependant, il y a encore beaucoup à démontrer.

M.S : Avec ce parcours et HAATCH, as-tu vu une problématique sur la notion d’objet pour que tu te lances plus loin avec l’objet responsable ?

A.K : Alors, ça ne s’est pas exactement passé comme cela, mais c’est bien que tu en parles comme d’un fil qui s’enchaîne, puisque c’est un peu cela. Dans les faits, l’objet n’est pas tout à fait un accident de parcours mais, il s’est tout simplement imposé. La raison initiale c’est que nous travaillions sur des projets de reforestation partout dans le monde, je trouvais des leviers pour les faire financer par des entreprises. Et à chaque fois, c’était des rencontres humaines incroyables que de voir des producteurs de cacao de la coopérative Acopagro au Pérou, les producteurs de cacao du Ghana, ou encore les femmes qui faisaient du beurre de karité au Burkina Faso avec qui j’ai partagé des expériences inoubliables. J’avais aussi envie de partager cela avec le grand public. Je me disais que c’était dommage que l’on reste uniquement sur le côté entreprise alors que le grand public aussi pourrait choisir de s’engager dans la reforestation et planter des arbres. Dans ces conditions, j’ai eu l’idée toute simple en observant des campagnes caritatives qui utilisaient l’objet comme moyen de communication, comme celle de Lady Gaga qui avait fait son bracelet pour lever des fonds après le tsunami, le mouvement Livestrong de Lance Armstrong pour une levée de fonds contre le cancer, dans les années 90 il y avait aussi le fameux petit bandeau rouge pour la lutte contre le sida…

En fait, les grandes causes ont souvent été incarnées par des objets comme cela, et c’est un bon levier de rassemblement, de revendication et de reconnaissance d’une cause commune.

De là, je me suis dit, faisons un truc un peu complémentaire, partons sur un bracelet, en permettant à tout un chacun d’aider à planter un arbre avec l’achat d’un bracelet pour financer la plantation d’un arbre. A l’époque, j’ai donc créé la marque que j’ai appelée Treez, avec cette accroche “si vous achetez ce bracelet, cela permettra de planter un arbre”, avec un code sur internet qui permettait de localiser votre arbre. Grâce à votre bracelet et en le portant, vous montriez que vous aimiez la reforestation, et que vous aviez parrainé un arbre. L’idée de ce projet en BtoC est née comme cela. Plusieurs pivots plus tard, nous sommes devenus ce que nous sommes aujourd’hui. Inspiré par ce projet en BtoC et parallèlement avec Alter Eco, j’allais donc mettre des bracelets qui plantent des arbres dans des milliers de boutiques. C’est aussi un levier de plus pour nos levées de fonds dédiées à nos projets de reforestation.

M.S : Comment tout cela s’est développé ?

A.K : Mes activités principales sont HAATCH et Gifts For Change, mais au quotidien je m’occupe principalement de Gifts For change. C’est venu progressivement parce qu’au début, j’ai incubé le projet dans mon cabinet de conseil. Par la suite, j’en ai fait une entreprise à part entière, j’ai commencé à récolter un peu de fonds auprès de quelques amis, puis j’ai eu un prêt du Réseau entreprendre. J’ai commencé à créer un business plan. Comment aller plus loin ? 

Par la suite, j’ai eu une première expérience du côté BtoB cette fois-ci, notamment avec le Directeur RSE du Stade de France à l’époque, Xavier Parenteau, qui a trouvé sympas nos bracelets. Il nous a demandé d’en faire à l’effigie du stade et nous a proposé de faire une opération ensemble. De ce fait, nous avons beaucoup travaillé avec notre designer, Stéphane Clivier à Toulouse, et nous avons conçu ce bracelet à la forme du stade de France vu du ciel. Pendant le tournoi des 6 nations de rugby, durant le match France-Irlande, nous avons pris 10 mobilisateurs de rues, nous sommes allés au devant des supporters français et irlandais en leur disant que pendant les 90 minutes du match, il y avait 2 000 fois la surface du stade qui serait déforestée dans le monde. Il s’agissait de conscientiser tout le monde sur ces chiffres-là. Nous leur avons dit que s’ils voulaient agir, nos bracelets (fabriqués en France par des personnes en situation de handicap) leur feraient non seulement un souvenir du stade, au prix de 5 euros, mais qu’en plus, cela permettrait de préserver en Amazonie une surface de la taille du stade pendant 1 mois. Plus nous pouvions en vendre, plus nous pourrions préserver la forêt amazonienne. En fait, nous avons fait de la communication responsable, une opération d’engagement par l’objet avant l’heure, qui nous a servi de test puisque nous en avons vendu 500 en quelques heures. Cela nous a permis de voir que si tout le monde a la possibilité concrète d’agir, d’avoir un souvenir, nous avons tout bon. Par ailleurs, c’est un objet qui donne de l’emploi puisqu’il a été fabriqué dans un ESAT (établissement qui emploie des personnes handicapées) en Ariège, avec lequel nous travaillons encore aujourd’hui. C’est à la fois une alternative, qui permet de préserver la forêt amazonienne, et d’être un moyen de communication pour le stade d’une manière originale, c’est sur mesure et c’est ultra-personnalisé (un élément clé de ce secteur du cadeau d’affaires). C’est donc de cette façon que j’ai mis un pied dans ce secteur de la communication par l’objet, en testant. Au début, je me suis dit que nous allions faire des opérations comme cela pour financer notre activité de la marque Treez auprès du grand public. Lui donner un peu de carburant pour faire vivre la marque, la faire connaître et la faire grandir. Puis après, il y a eu de nombreux rebondissements comme on en connaît dans la vie d’une entrepreneur. Par conséquent, c’est devenu le modèle principal. En effet, je me suis rendu compte que :

  • ce marché de la communication par l’objet est à transformer de fond en comble et qu’il faisait partie de ces secteurs qui commençait à prendre conscience de son empreinte environnementale, mais que tout restait à faire,
  • c’est extrêmement paradoxal puisque les entreprises utilisent les objets pour se valoriser à travers les cadeaux d’entreprises, qui sont des bouts de pollution fabriqués dans des conditions qu’on a du mal à tracer et à certifier. En exemple, le énième bad buzz de Carambar avec leur sucette géante.
  • Il y a une opportunité de proposer une voie différente et je ne crois pas que la réponse soit l’arrêt de la communication par l’objet, parce que c’est un super levier de proximité entre les marques et leur collaborateurs.

M.S : Et puis c’est un sujet de fond actuel, doit-on arrêter de produire, comment penser autrement, …

A.K : Chez nous à Gifts For Change, le sujet n’est pas de faire moins mal, mais d’en faire un levier de transformation positif.

Mon souhait, et c’est toujours le cas aujourd’hui, c’est de développer une entreprise qui au global, en prenant compte de l’impact net, a plus de retombées positives que négatives.

Pour être plus précis, nous nous définissons comme une agence d’engagement par l’objet. Notre métier c’est d’identifier pour notre client des thématiques sociales, environnementales, des grandes causes qui leur correspondent, et de leur permettre de s’engager pour une cause par le biais d’objets de communication, de cadeaux d’affaires éco-responsables fabriqués en France par des personnes en situation de handicap et biodégradables. Au final, pour donner un levier, un pied à l’étrier aux marques et aux entreprises qui veulent s’engager. C’est concret et facile à activer. Il s’agit de trouver des alternatives à des produits qui représentent un marché de 1,2 milliards : clé USB, batteries externes, parapluies, … Actuellement, le marché tend vers des objets plus utiles qu’avant, mais qui sont un océan de plastique et de pétrochimie. Il faut donc se demander si le monde irait mieux avec ou sans.

Nous proposons des bracelets en bois fabriqués en ESAT, des étiquettes de bagages en bois, des badges, des portes clés, des objets incontournables de la communication par l’objet, des jolis sacs, qui sont les plus éco-responsables dans ce secteur, car nous sommes très exigeants sur cet aspect. D’ailleurs, nous avons fait des choix radicaux, notamment pas de plastiques, pas d’électronique, afin de montrer que si l’on peut le faire, on peut le faire partout. Dans toutes ces différentes étapes, nous avons une mécanique qui part toujours de la même idée : reverser une partie du prix de l’objet à une association qui est partenaire de Gifts For Change.

Prenons l’exemple d’une opération montée avec la FNAC, avec des bracelets en faveur de l’accès à la culture ou de la reforestation. Nous allons permettre à nos acheteurs d’acheter à la caisse un bracelet à 6 euros dont 1 euros va être reversé pour planter des arbres. Un autre exemple, avec la sortie du Roi Lion par Disney, avec 25 ans d’écart avec le premier Roi Lion, il y a eu la moitié de la population des lions qui a disparu dans le monde. Pour le lancement de ce nouveau film, Disney a donc lancé en faveur du Lion recovery fund une collecte des fonds pour doubler à nouveau la population des lions. Nous avons conçu une partie de l’activation de cette campagne en France avec un bracelet en bois à l’effigie de Simba. Cette campagne a pu récolter des dizaines de milliers d’euros en faveur d’une association qui s’appelle Panthera, qui vient en aide aux félins à travers le monde, notamment au dernier lion du Sénégal.

En ce moment, nous faisons également une superbe campagne chez Besson Chaussures, qui souhaite s’engager davantage et réduire voir faire disparaitre ces sacs de caisses jetables. Nous avons donc conçu un beau Tote Bag qualitatif dont l’illustration a été confiée à un artiste plongeur sous-marin qui partage aussi la cause de la dépollution des océans. Leurs clients sont informés du fait que Besson Chaussures s’engage de plus en plus vers moins de plastique, plus de matières naturelles et plus de fabrications françaises et européennes. Ces clients peuvent acheter un sac à la caisse dont une partie du prix sert à dépolluer les plages et les océans avec l’association Project Rescue Ocean.

M.S : Combien êtes-vous dans l’équipe ? Et quelle est votre vision ?

A.K : Nous sommes 13 ou 14 personnes dans l’équipe aujourd’hui. L’année dernière, nous avons franchi un cap, en ayant posé ce concept d’engagement par l’objet et en proposant des solutions par l’objet. Ce que nous faisons est très clair, alors qu’il y a quelques années ce n’était pas le cas, mais je pense que nous pouvons encore faire mieux. Dans un monde ultra-digital et immatériel, on se dit que quand un objet est bien conçu, c’est moins polluant et il permet de rendre visible un engagement.

Notre raison d’être c’est d’accompagner les entreprises pour donner forme à leurs engagements sociaux et environnementaux, avec un maximum de fierté et de succès auprès de leurs clients et de leurs collaborateurs.

Maintenant que cette proposition de valeur est bien clarifiée, ma vision pour l’entreprise qui est extrêmement ambitieuse est de renverser la table : montrer que nous pouvons aller très loin avec cette démarche et imposer un nouveau standard dans ces secteurs.

Ambitieuse pourquoi ? Parce que pour moi, lorsqu’on porte un projet à impact et qu’on a réussi l’alignement initial (ou a posteriori) entre son projet d’entreprise et son projet d’impact, il faut absolument agrandir ce projet. De sa taille et de son ambition dépend son impact. Il existe différentes façons d’avoir un impact, notamment par capillarité, c’est-à-dire rester petit, mais inspirer les autres, comme avec Alter Eco et les autres acteurs du commerce équitable. Je crois beaucoup à ce pouvoir de capillarité, d’effet tâches d’huile. Le but n’est pas d’être plus grand que le plus grand, mais quand nous arrivons à toucher du doigt nos objectifs avec Gifts For Change, nous avons envie d’aller très loin.

J’ai envie de dire qu’il y a une responsabilité des entrepreneur(euse)s sociaux à avoir de l’ambition.

Bien évidemment, cela arrangerait bien certains de nous mettre dans un coin, mais en fait, nous (avec toutes les personnes de bonne volonté) voulons remplacer le vieux modèle capitaliste qui est moribond. C’est aussi pour cela que nous faisons du conseil en entreprises, parce que parmi les plus grosses et les plus emblématiques du monde d’hier, se trouvent les plus motivées pour changer leur pratique et se transformer en leader de demain.

Les leaders de demain seront les plus engagés.

Forcé de constater que c’est plus facile de se lancer dans un projet puriste, le faire à grande échelle c’est beaucoup plus dur. Je rencontre des entrepreneurs qui viennent pitcher leur projet, et de plus en plus avec des projets à impact, mais j’en vois aussi d’autres qui ne savent pas vers quelle idée tendre. J’ai juste envie de leur dire de prendre l’impact et la transformation positive de la société comme prisme pour réfléchir. Il y a des idées à tous les étages, des choses à changer partout. Être un apprenti entrepreneur, c’est créer une bonne entreprise qui va résoudre un problème avec une solution. Si on prend l’état de la planète et le bien être de chacun, l’avenir de nos enfants comme problème, comme terrain de fond, vous y trouverez l’entreprise que vous pouvez créer, et qui résoudra d’abord un problème socio-environnemental. Le succès économique est dur à obtenir pour n’importe quelle entreprise, c’est un enchaînement d’obstacles à franchir, de difficultés, et de pivots qu’il faut savoir prendre. Le fait d’être un projet entrepreneurial n’est pas toujours couronné de succès. En plus, c’est plus dur pour un projet d’entrepreneuriat social puisqu’il y a beaucoup à prouver et il y a plus de frein. Néanmoins c’est 10 fois plus épanouissant puisque :

  • il crée 10 fois plus de valeur,
  • il permet de recruter les meilleurs,
  • et il permet de récupérer les clients qui abandonnent des marques.

M.S : Comment avez-vous fait pour vous faire connaître ?

A.K : J’avais déjà un réseau de directeur(ice)s RSE, mais qui n’étaient pas forcément les clients directs de Gifts For Change. Nous essayons de nous faire connaître tous les jours. Comme toute entreprise, nous recrutons une équipe de commerciaux, nous faisons de la communication et nous sommes présent sur les réseaux sociaux. Notre avantage c’est que nos opérations communiquent par elles-mêmes. Effectivement, quand nous montons une opération pour un engagement par l’objet, c’est pour que les clients communiquent sur leurs engagements et sur leurs identités, ainsi ils le font en diffusant les objets concrets en parlant de leur campagne et donc en parlant de nous. Nous faisons un peu partie des “ovnis” dans l’environnement des agences de conseil en communication, de communication par l’objet, ou de création de campagnes engagées. Certes, il y en a d’autres, mais c’est quelque chose de valorisant pour nous.

Il y a eu également quelques succès successifs tels que le référencement chez Nature et découvertes en 2018, avec une collection que nous avons appelée « bêtes à porter ». Ce sont des bracelets à l’effigie d’animaux menacés (éléphants, bonobos, ours, tortues marines, loutres…). 1 bracelet acheté vient en aide à l’animal sur le bracelet. Cette opération permet de nous faire connaître depuis 3 ans. L’année dernière, les opérations avec Disney, Sushi Shop ou Monoprix nous ont aussi permis d’avoir plus de visibilité.

Nous communiquons aussi sur les réseaux sociaux tels que LinkedIn pour viser les professionnels, sur Twitter pas beaucoup. Autrement, nous faisons beaucoup de démarchage, de Newsletter, de mailing. C’est un effort de chaque instant. Précisément encore aujourd’hui avec la situation actuelle en rapport avec le Covid, nous sommes affectés par le ralentissement de l’événementiel. Pour pallier cela, on tend à :

  • parler des choses que nos clients ont envie de savoir ou d’entendre,
  • leur apporter des informations,
  • nourrir leur envie de s’engager, en montrant que cela en vaut la peine,
  • leur montrer que c’est une étape dans leur engagement.

Par ailleurs, avec notre expertise des différents problématiques liées à l’engagement, nous aidons les entreprises à identifier ce que nous appelons leur territoire d’engagement. C’est très lié au domaine de l’intime, du personnel, à travers les causes qui nous touchent. On en fait un parallèle avec l’entreprise qui est aussi composée de personnes et d’une équipe qui la fait vivre.

Pour parler d’entreprise à mission, il y a ce danger dans l’engagement de vouloir tout bonifier dans la RSE, mais il faut changer ce point de vue. Je pense qu’il faut retrouver, identifier la manière dont on veut transformer positivement la société. Cela aura du sens en fonction de qui on est en tant qu’entreprise, ce qui va permettre d’aligner le projet d’entreprise avec le projet sociétale. Ce territoire d’engagement permet aux entreprises :

  • d’aller s’engager,
  • de trouver le ou les sujets qui sont les plus porteurs et les plus pertinents pour faire vibrer leurs équipes,
  • et d’être motivées par le travail, parce qu’elles contribuent à améliorer cet impact positif.

Tout cela demande du travail en amont, de discuter ouvertement, de l’écoute, de la co-construction et de la créativité. Nous appelons les personnes qui portent des projets comme cela dans les entreprises “nos change makers”. Ce sont des anonymes, des inconnus qui se bougent tous les jours pour faire avancer les lignes dans l’entreprise, et qui font en sorte que ce soit leur projet. C’est pour cet engouement que Gifts For Change fait des objets personnalisables. Nous sommes un catalyseur qui permet aux personnes de s’engager pour quelque chose qui est important pour eux.

Bien évidemment, il faudra incarner toutes ces idées dans une campagne, dans un objet qui va donner envie et doit plaire à la personne qui va le recevoir.

L’objet est toujours porteur d’histoires et c’est un moyen de faire de chacun, un(e) ambassadeur(drice) de la cause qui lui est chère, d’agir et de convaincre les autres par la suite.

M.S : Entre entreprise à mission et Bcorp, pourquoi fais-tu les deux ?

A.K : De mon point de vue, les deux sont complémentaires. Pour être concret, Bcorp est un label et un mouvement d’entreprises engagées à travers le monde. De ce fait, il réunit beaucoup de personnes qui aspirent à être meilleures pour le monde. C’est une certaine vision d’une économie qui cherche à avoir une contribution positive. C’est une démarche rigoureuse d’un label grâce à un questionnaire (BIA), que l’on peut faire de manière volontaire sur le site de Bcorp, afin d’évaluer son impact sur différents critères qui touchent aux employés, à la gouvernance et à l’environnement. Il faut avoir au moins 80 points pour être labellisé Bcorp. Il arrive qu’à la première évaluation, on arrive à 40 ou 50 points, ce qui signifie qu’il faut mettre en place des choses, formaliser un certain nombre de mesures en faveur de ses salariés par exemple, pour pouvoir améliorer son impact. Ces critères obligent à en faire une démarche rigoureuse et systématique. C’est pour cela que c’est intéressant avec un screening à 360 °, puisqu’il permet de définir si le modèle est vertueux ou pourrait l’être. Nous sommes labellisés Bcorp pour HAATCH et pour Gifts For Change. Avec HAATCH, nous accompagnons aussi des entreprises qui veulent devenir Bcorp pour arriver à obtenir un super diagnostic à 360° et obtenir la certification. C’est une fierté puisqu’il n’y a encore que 120 à 130 Bcorp en France. C’est en forte croissance, parce que beaucoup d’entreprises dans le monde cherchent à être Bcorp. Il y a le label Lucie aussi en France qui est très intéressant.

L’entreprise à mission est complémentaire et procède une philosophie un peu différente qui est le produit de la loi PACTE. Elle permet à une entreprise de se définir, mais aussi de se définir par rapport à son impact sur le monde. D’une part, nous sommes donc dans une démarche qui vise à être bon partout et de faire attention à tout ce qu’on fait. Et de l’autre, c’est une démarche un peu philosophique qui invite l’entreprise à se re-demander à quoi elle sert, quelle est sa contribution au monde avec ses parties prenantes et de réécrire ou de remettre de la lumière sur un projet d’entreprise qui a une mission plus grande qu’elle-même. Être entreprise à mission, c’est déjà avoir défini sa raison d’être. Aujourd’hui, c’est dur de rester durablement motivé et mobilisé pour un projet qui n’a d’autres horizons que la vente. Il est important de se demander comment impacter le monde. Pour devenir une entreprise à mission, on doit inscrire dans ses statuts :

  • une raison d’être,
  • des engagements concrets,
  • des objectifs qui vont servir cette raison d’être.
 
Chaque année, on doit faire un bilan de son avancée, et accepter qu’un tiers (une personne agréée) vérifie que la qualité d’entreprise à mission est bien respectée. 

Cette qualité d’entreprise à mission est attribuée par l’Etat, à la différence de Bcorp qui est un label privé. Être une entreprise à mission me sert à définir notre raison d’être et être Bcorp est plus une démarche RSE où il s’agit de faire attention à tous, de s’améliorer, surtout de permettre de mesurer les progrès réalisés sur chacun des sujets et de partager au sein d’un réseau d’entreprises qui partagent cette même vision.

M.S : Une personne à recommander pour le prochain podcast

A.K : Castalie : Thibault Lamarque, LITA : Eva Sadoun, Lamazuna : Laëtitia Van de Walle, cosmétiques solides et zéro déchet. Je t’enverrai une liste !

Merci beaucoup pour cet échange et à très bientôt !

Melody Schmaus, agence CAUSE

Marketing digital et Communication RSE pour un impact positif

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