#07 : Entrepreneuriat, publicité et virage eco-responsable

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Résumé de l'épisode -

Charline Goutal est une entrepreneure aguerrie, « culottée » et passionnée par son entreprise et l’entrepreneuriat en général. Elle a monté Ma P’tite Culotte, devenue Naïa Paris, une marque de lingerie moderne, proposant une sensualité différente qui sort du mega sexy, feministe, et qui tendait vers l’eco-responsabilité.

Qui tendait ? Et oui, comme je vous l’indique au début du podcast, Charline a dû fermer l’entreprise, à la surprise générale, début 2020, soit quelques mois après l’enregistrement de cet épisode.

Est-ce que cela veut dire que tout ce qui est dit dans cette interview n’est pas valable ? Oh non, bien au contraire. En quelques années, Charline a monté une équipe de plus de 10 personnes, ouvert un bureau/showroom dans le 2e arrondissement et une boutique dans le Marais à Paris, levé plusieurs millions d’euros toute seule (!), géré la stratégie de développement à l’international, le départ de son associé, le changement de nom et de positionnement pour aller vers de l’eco-responsabilité…

Je suis vraiment ravie de vous livrer ce témoignage, et encore plus ravie du fait que Charline a accepté qu’on fasse une 2interview pour qu’elle nous raconte la fermeture de l’entreprise.

C’est une étape qui fait partie de la vie de bon nombre d’entrepreneurs, et c’est une chance que Charline joue le jeu de partager cette expérience et ces apprentissages. D’ailleurs, elle nous rappelle à la fin de l’épisode, et avant donc d’avoir fermé son entreprise que « tu ne peux pas avoir de succès entrepreneurial sans te planter, ça fait partie du job de l’entrepreneur ». 

Intro un peu longue, mais nécessaire pour vous expliquer le contexte ! A votre écoute ci-dessus sur la plateforme de votre choix, ou à votre lecture ci-dessous si vous préférez ce format. 😉  

Ces personnes qui savent ce qu'elles veulent...

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Depuis toute jeune, Charline est passionnée par la mode et les matières, et en particulier pour la lingerie. D’ailleurs, elle sait qu’elle veut créer une marque de lingerie à 11 ans et demi déjà ! Elle a donc construit son parcours avec cette idée en tête : école de commerce, école de mode, quelques temps chez Louis Vuitton, puis c’est parti pour une première aventure entrepreneuriale avec la création d’une boite de coaching stylistique. Cette entreprise revendue, Charline s’attaque à son rêve en créant Ma P’tite Culotte à 25 ans.

Pour commencer, pourquoi changer le nom 6 ans après sa création ?

Le changement de nom de Ma P’tite Culotte à Naïa Paris a pris 1 an en tout, et il s’explique en réalité par plusieurs barrières business, niveau marketing, commercial comme financier :

1. Beaucoup de personnes étaient intimidées par le nom, par culture, ce qui bloquait le bouche-à-oreille au niveau des clientes comme des influenceuses. La perception de la marque était en plus différente de son positionnement adulte, avec une connotation « ado » 

2. L’international : la consonance française est un point fort, mais le nom était top long et difficile à prononcer

3. Des barrières financières : banques, investisseurs ou bailleurs de boutiques pouvaient être alertés par le nom, et ne même pas aller voir plus loin 

4. Le virage eco-responsable : modifier l’ADN peut aussi passer par un changement de nom. D’ailleurs, le nom Naïa est inspiré des Naïades, déesses de l’eau, en écho à cet élément naturel qui est le plus pollué par l’industrie de la mode. Pour le clin d’oeil, Naïa est également un prénom basque qui signifie « celle qui a de la volonté ».

 

Les valeurs de l’entreprise sont restées les mêmes : la passion, la créativité (aussi dans la manière de trouver des solutions à des problématiques du quotidien), l’authenticité et le sourire.

Virage eco-responsable d'une marque de mode

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L’origine du virage eco-responsable

Le travail a commencé dès fin 2018 sur certaines gammes de produits.

Charline a un caractère fort, elle estime se « réaliser dans l’adversité », et a une ambition énorme dont elle ne se cache pas. Au contraire, elle l’assume : « si tu veux une ambition écologique, si tu ne tapes pas fort, tu ne tapes pas ». 

Le fait de devenir maman lui fait prendre conscience d’autant plus du rôle qu’elle a à jouer en tant qu’entrepreneur, et la décide à se lancer dans sa démarche eco-responsable. Qu’on s’entende, cela représente un effort financier et marketing colossal pour une entreprise comme Naïa Paris, ce qui exige de la patience, et d’y aller progressivement. 

Passer de 0 à 100% aurait évidemment été merveilleux pour elle, mais Charline est une entrepreneure réaliste, à la tête d’une entreprise qui en plein développement : il faut donc prendre les sujets responsables l’un après l’autre. C’est là où l’éducation du consommateur est primordiale, car il a besoin de comprendre pourquoi ce n’est pas si facile que ça de se transformer, même pour une entreprise à taille humaine.

Le Made in France comme objectif dès le début

L’envie d’impacter l’économie française était présente dès le début, seulement Ma P’tite Culotte l’a appris à ses dépens : l’atelier avec qui elle travaillait a fermé, et elle s’est retrouvée, dans l’adversité, à devoir produire en Tunisie. Une entreprise clean, gérée par une Française, et à des coûts qui lui permettent de continuer son activité.

La corseterie est en effet un secteur particulier : le coût du travail est élevé et la main d’oeuvre nombreuse, pour des prix qui se doivent d’être accessibles vu la concurrence sur le marché, et les mastodontes en face. En tant qu’entrepreneur, il est toujours nécessaire d’arbitrer, de faire des choix les plus justes possible pour la pérennité de l’entreprise. 

Quand je demande à Charline si elle verrait ce secteur se relancer en France, elle me partage son avis : il faudrait soit que le secteur soit subventionné à fond, soit que toutes les marques de lingerie se mettent d’accord pour augmenter les prix. 

Comment la clientèle a réagi à la démarche eco-responsable ?

C’est difficile de mesurer les retours sur ce type de démarche. Un client ne commande pas pour une seule raison, mais c’est sûr que cela fait une raison de plus.

Pour autant, ce n’est pas par opportunisme qu’elle s’est lancée, même si elle était évidemment consciente de la tendance de fond, mais c’est sincèrement un déclic personnel. Tomber enceinte l’a profondément mise en face de « ses responsabilités », de l’impact social de son entreprise. 

Elle avait déjà cette conscience, ce pourquoi elle reversait chaque année 100% du chiffre lié à l’opération Octobre Rose (là où d’autres marques reversaient 1 €…), mais la prise de conscience l’a amenée un cran plus loin, vers l’impact écologique d’une telle entreprise.

Le Body positive – pas de retouche, la femme authentique

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Petit zoom sur ce détail qui n’en est pas un : montrer les corps des femmes, les vrais, sans Photoshop, avec des vergetures et de la cellulite. Entant que femme, jeune maman, et entourée de femmes magnifiques selon ses dires, mais aussi complexées, Charline a aussi vu à travers sa marque, l’opportunité de célébrer et de respecter les corps des femmes, de toutes les femmes.

Les photos non retouchées de Naïa Paris lui ont valu de nombreuses critiques de femmes qui ne comprenaient pas pourquoi elle voulait montrer « ça » (vergetures,…), ce qui l’a encore plus confortée dans sa mission. 

Je vous invite d’ailleurs à lire son article Linkedin sur le Body Positive, posté en 2019.

L'adversité : le compagnon de route de tout entrepreneur

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Quelques épreuves rencontrées sur la route de Ma P’tite Culotte

La faillite de son atelier français : comment produire toutes ses pièces quand tout est déjà lancé ?

Comment se financer quand on n’a pas de stratégie capitalistique ?

Identifier des barrières liées au nom de sa boite, et devoir prendre la décision de le modifier

Tomber et se relever en permanence, et surtout en apprendre sur soi et sur son marché à chaque fois

Se séparer de son associé de toujours

3 choses que Charline referait différemment après 8 ans d’entrepreneuriat

  • Savoir si ton business est capitalistique ou pas : c’est ton secteur et ton ambition qui vont te le dire, les deux ensemble. Tu n’es pas obligé de lever des fonds, c’est à toi de décider et d’établir une véritable stratégie à ce niveau
 
  • Avec qui tu te maries : avec combien de personnes, quels profils, pourquoi, quelles compétences, quelles valeurs. Les individus sont des êtres mouvants, ils évoluent, l’entrepreneuriat te fait changer et tu peux arriver à un désalignement.
 
  • Recruter des premiers collaborateurs « senior » et non « junior ». Sans avoir 20 ans d’expérience, ce sont des collaborateurs sur lesquels tu peux te reposer en tant que chef d’entreprise. Charline pense avoir perdu 1 année complète car il fallait gérer et manager des juniors, alors qu’elle et son associé n’avaient pas le temps. L’intérêt des collaborateurs seniors est aussi qu’ils peuvent te challenger et te faire grandir !

A garder en tête : tous les entrepreneurs ne sont pas de bons managers.

2013 : merci Facebook gratuit et le développement organique

Se lancer en 2013 en pure player de la lingerie

Ma P’tite Culotte a été l’une des premières marques de lingerie pure player. 

Quand elle a monté la boite, Facebook n’était pas payant, Instagram n’était pas encore utilisé. Elle s’est développée de façon organique sur Facebook, avec très peu de budget à l’époque, comme Nicolas Rohr de Faguo nous le racontait aussi sur le podcast.

A l’époque, son budget avait servi pour les stocks, le développement produit et d’autres postes de dépenses, mais pas pour de la publicité.

Ce ne serait plus vrai aujourd’hui. 

La marque s’est ensuite développée sur Instagram, puis elle a pu commencer l’acquisition payante après sa levée de fonds de 2 millions d’euros en 2016.

Piloter ses budgets d’acquisition est primordial 

Dans tous les cas, de son expérience, Charline nous explique qu’on ne peut plus, aujourd’hui, lancer un business sur internet sans budget, en tout cas si on veut monter une véritable marque.

(On ne parlera pas des formations en ligne de tous poils qui vous promettent de devenir millionnaire en 3 mois avec 100 € de budget publicitaire sur Facebook, en vendant des produits chinois trouvés sur Aliexpress, à 10x le prix…ah ben si, on en parle, et on passe son chemin :D)

 

Le digital est très concurrentiel aujourd’hui, et il ne faut pas oublier que les acteurs traditionnels du marché sont aussi présents, avec des budgets monstrueux à dépenser sur les différents canaux d’acquisition, et qu’ils n’ont ni les mêmes volumes, ni les mêmes marges. 

Ce que Charline retient du marketing digital : il faut suivre ses métriques. Elle reconnait avoir beaucoup tardé à s’y intéresser, et à piloter la stratégie au quotidien : CAC, ROI, CPO, panier moyen, taux de repeat et taux de conversion, en valeur et en volume, n’ont plus de secret pour elle au moment de cette interview ! 

Même si, encore une fois, c’est bien sa responsable digitale qui pilote cela.

Le fait de regarder ses métriques tous les jours, et de les transmettre à toute l’équipe, permet un suivi et une implication de tous, mais aussi de reconnaître les produits et  campagnes qui performent. 

Dans un secteur où l’image est essentielle, ce pilotage a été précieux pour identifier les shootings photos qui avaient donné des résultats satisfaisants, et ce pour lesquels ce n’était pas le cas.

La pression des actionnaires

Charline reconnait dans l’interview que les actionnaires poussent un peu à la sur-croissance. L’état d’esprit qui se met en place, quand on vient de lever 2 millions d’euros (ou plus), c’est « J’ai de l’argent, donc j’investis », au risque de surinvestir parfois.

Le problème est que si tu ne pilotes pas et ne comprends pas tes dépenses, tu vends à perte.

En apprenant de ses expériences, et de ses erreurs, l’entreprise a su redresser la barre et atteindre la rentabilité sur le digital. 

Cela est passé par la prise de décision, la diminution des investissements, l’arrêt des budgets quand ça ne fonctionnait pas, et l’arrêt de Google ads, trop concurrentiel. 

La stratégie digitale de Naïa Paris

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Les astuces de Naïa Paris sur Facebook et Instagram

Ce qui performe le mieux, de son expérience, et malheureusement, c’est la solde (avant le confinement du printemps 2020).

Par ailleurs, il ne faut pas du tout suivre la même stratégie sur Facebook et Instagram. Les visuels ont un impact fou, et il y a des tendances différentes en termes de message et de photos sur les deux canaux. 

Il est important de prendre en compte l’actualité de la marque, et l’actualité tout court, pour communiquer de manière maline, dans le bon timing. Et cela, ça demande du budget.

Par ailleurs, toujours se rappeler que rien n’est acquis dans le digital, tout change. Une recette qui marche 2 mois, peut ne plus marcher après.

 

« Ce qui est très important, c’est de prendre en compte le mindset dans lequel l’internaute va être quand il va être sur tel ou tel canal ».

Google, c’est un lieu de recherche d’informations, mais aussi d’achats directs. Google Ads et Google Shopping sont donc des canaux intéressants, pour autant que vous ayez du budget à y mettre, si votre marché est concurrentiel !

Facebook devient de plus en plus commercial, c’est presque comme un catalogue, les internautes sont ouverts à l’achat, à 60/70%. 

Instagram sert plutôt de lieu d’inspiration, pour suivre les tendances, avec des personnes ouvertes à 35% à l’achat.

Pinterest sert plutôt une stratégie de contenus, en tout cas pour le marché de la lingerie. Leurs essais en publicités n’ont pas été fructueux.

 

Quels autres canaux d’acquisition digitale ? 

Pour Charline, Instagram et Facebook sont déjà « d’anciens canaux d’acquisition », et un nouveau va sortir dans les deux ans. Mais lequel ? 

En attendant de le savoir, l’omnicanalité avec l’ouverture de boutiques permet de faire tampon. Ce qui est sûr, c’est que quelque chose de neuf va arriver. 

Un autre canal de conversion très intéressant à exploiter est la stratégie CRM. 

Misant sur une grosse base client, Naïa Paris a pu déployer un système de mails automatisés efficace permettant de développer les ventes en envoyant des communications ciblées aux clientes.

Le conseil de Charline Goutal de Naïa Paris

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Faire les choses avec conscience et avec une vraie audace. Si tu ne prends pas de risque en tant qu’entrepreneur, c’est que tu ne l’es pas vraiment. En fait c’est ton métier, ton rôle de te planter, et ce n’est pas facile. Tu ne peux pas avoir de succès sans te planter.

Charline recommande

Le Co-fondateur de Hopaal, vêtements recyclés et fabrication locale

Le Co-fondateur de Everlane, marque de vêtements éthique et transparente 

Merci pour sa force, son sourire et son ambition assumée, si profondément inspirants !

Melody Schmausagence CAUSE
Marketing digital et Communication RSE pour un impact positif

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